Aventures naturalistes dans le Mor Braz

Publié le par lesbiodiversitaires

Avec une bande de copains ornithologues, nous avons décidé d’aller à la rencontre des oiseaux et des mammifères marins qui fréquentent, en fin d’été, les eaux du Mor Braz, entre Belle-Île, Hoedic, l’estuaire de la Vilaine et la pointe du Croisic. Trois sorties en mer que l’on vous fait partager.

Océanites tempêtes.

Océanites tempêtes.

L’idée qui a germé, c’est de voir ce qu’il y a en mer à quelques milles des côtes et des îles du Morbihan. Il y a déjà eu des travaux effectués, mais sous protocole strict, ne permettant pas une grande souplesse quant à l’observation des espèces. Si les observations d’oiseaux marins sont souvent décevantes à partir de la côte morbihannaise, il n’en est pas de même dès que l’on prend la mer.

Pas de gros bateau, pas de yacht, pas de chalutier ni de bateau pour la pêche au gros. Non, un zodiac pour une douzaine de personnes. Pas non plus du grand confort, c’est-à-dire une petite banquette à l’arrière et le reste posé sur les boudins du bateau.

Nous sommes partis à chaque fois au matin de Port Haliguen dans la presqu’île de Quiberon, Morbihan. Après avoir dépassé la Teignouse et ses rochers, on file, soit vers le sud-ouest pour rejoindre le secteur de la pointe des Poulains à Belle-Ile, ou le phare des Birvideaux, soit on se dirige vers le sud-est pour passer Houat, puis Hoedic et faire route vers la plateau du Four, au large des Cardinaux.

Nous avons opté pour deux stratégies afin d’observer les oiseaux et les dauphins dans de bonnes conditions. D’une part rechercher les bateaux en pêche (chalutiers) que nous avons préalablement repérés les jours précédents sur un site internet dédié, soit en pratiquant la très odorante activité du chumming (voir ci-dessous).

Lorsqu’ils sont en pêche, et notamment lorsqu’ils relèvent les filets, les chalutiers attirent de grandes quantités d’oiseaux. Ainsi, le 5 septembre 2015, il y avait près de 4 000 goélands, 2 000 puffins des Baléares et plus de 110 dauphins (surtout communs et quelques grands dauphins) autour d’un chalutier.

Posté à l’arrière du chalutier, pour ne pas le gêner, moteur coupé, nous nous laissons dériver tandis que le flot des goélands et des puffins, auxquels se mêlent des océanites tempêtes, suit le chalutier qui avance.

Ambiance derrière les chalutiers...
Ambiance derrière les chalutiers...

Ambiance derrière les chalutiers...

Spectacle inouï quand c’est au tour des dauphins de frôler notre étrave et rejoindre les oiseaux en nous gratifiant de bonds et de sauts.

Le ballet des dauphins communs.
Le ballet des dauphins communs.Le ballet des dauphins communs.
Le ballet des dauphins communs.

Le ballet des dauphins communs.

C’est l’occasion de voir de tout près le puffin des Baléares. Cette espèce, dont la quasi-totalité de la population mondiale se rassemble dans les eaux bretonnes en été, est en danger critique d’extinction. Difficile de le penser quand on voit tous ces oiseaux. Sauf que l’on a devant nous peut-être 15 ou 20 % de la population mondiale !

Le rare puffin des Baléares.
Le rare puffin des Baléares.Le rare puffin des Baléares.

Le rare puffin des Baléares.

Par dizaines, les puffins des Baléares suivent le chalutier.

Par dizaines, les puffins des Baléares suivent le chalutier.

Survolant la masse, quelques fous de Bassan patrouillent dans le ciel.

Aventures naturalistes dans le Mor Braz
Aventures naturalistes dans le Mor BrazAventures naturalistes dans le Mor Braz

Avec, en prime, le grand labbe (jusqu’à 5 ensemble) qui vient, comme à son habitude, pirater les goélands lorsqu’ils ont attrapé un bout de poisson.

Oiseaux de première année (le premier et le cinquième) et plus âgés.
Oiseaux de première année (le premier et le cinquième) et plus âgés.Oiseaux de première année (le premier et le cinquième) et plus âgés.
Oiseaux de première année (le premier et le cinquième) et plus âgés.Oiseaux de première année (le premier et le cinquième) et plus âgés.

Oiseaux de première année (le premier et le cinquième) et plus âgés.

Aventures naturalistes dans le Mor Braz

L’autre technique pour voir les oiseaux dans de bonnes conditions est la pratique du chumming. Qu’est-ce que le chumming ? Il s’agit d’une mixture faite d’abats et de morceaux de poissons, d’huile de foie de morue (ou de poissons), de morceaux de calmars et, éventuellement d’un peu de graisse animale que l’on fait macérer dans un récipient pendant plusieurs jours (voire, pour les « puristes », plusieurs semaines), puis que l’on congèle. Ainsi obtient-on un bloc de glace dans lequel se trouve enfermée cette mixture qui sera ensuite mise à la mer et qui diffusera lentement. La forte odeur de poissons (odeur, il faut le dire, re-dou-ta-ble) attirera les oiseaux, qui viendront se régaler de cette gourmandise - certains pouvant sentir l’odeur à une ou deux dizaines de kilomètres.

Hum, le bon chum !Hum, le bon chum !

Hum, le bon chum !

Le but premier est d’attirer les océanites, ces minuscules oiseaux marins noirs, que les pêcheurs bretons appellent parfois satanigs car ils ont le plumage noir et seraient annonciateurs de tempêtes (ce qui est loin d’être systématiquement le cas). Il faut vraiment être en mer pour les voir correctement car leur taille est à peu près celle d’une hirondelle.

Le Mor Braz est connu pour en accueillir beaucoup en été, et nous avons pu voir jusqu’à 300 oiseaux posés ensemble, en radeau sur l’eau, au milieu de nulle part.

Aventures naturalistes dans le Mor Braz
Aventures naturalistes dans le Mor Braz

Mais, attirés par le chum, les oiseaux peuvent venir à quelques mètres du bateau tandis qu’ils picorent, de leur vol papillonnant, les petits morceaux qui se détachent du gros bloc.

Aventures naturalistes dans le Mor Braz
Aventures naturalistes dans le Mor BrazAventures naturalistes dans le Mor Braz

L’un des buts de nos prospections était de mettre en évidence la présence du très rare océanite de Wilson. Cette espèce niche dans les contrées de l’hémisphère Sud, notamment dans les îles subantarctiques. Après la reproduction (australe), les oiseaux remontent vers les côtes d’Amérique du Nord, mais la présence de l’espèce de ce côté-ci de l’Atlantique a été mis en évidence depuis une vingtaine d’années, singulièrement au large des îles Britanniques. En France, l’espèce reste cependant occasionnelle.

A la faveur de notre chum et sans doute attirés par quelques océanites tempêtes qui s’y nourrissaient, nous avons pu observer deux oiseaux de plus d’un an, fortement en mue, le 19 septembre. Et ce, à quelques mètres du bateau. Ce fut LE grand moment de nos sorties que de voir ces oiseaux aux pattes démesurées marcher littéralement sur l’eau tout en pratiquant un sorte de vol bondissant. De vrais « diables », décidément !

Les deux oiseaux observés le 19 septembre 2015.
Les deux oiseaux observés le 19 septembre 2015.
Les deux oiseaux observés le 19 septembre 2015.
Les deux oiseaux observés le 19 septembre 2015.

Les deux oiseaux observés le 19 septembre 2015.

Océanite de Wilson (à gauche) et océanite tempête (à droite), pour comparaison.

Océanite de Wilson (à gauche) et océanite tempête (à droite), pour comparaison.

On peut également ajouter les observations d’espèces peu fréquentes comme le labbe pomarin...

Oiseau de 2 ans.

Oiseau de 2 ans.

...ou de la mouette de Sabine, venue de l’Arctique canadien ou russe.

Oiseau de 2 ans.

Oiseau de 2 ans.

Sans oublier le poisson lune (môle) que l’on croit toujours à moitié mort, jusqu’à ce qu’il nous gratifie d’un bond soudain en dehors de l’eau !

Au cours des sorties, nous avons croisé trois môles. Quand ils flottent à la surface, c'est en réalité pour se réchauffer au soleil après des plongées en eaux profondes.

Au cours des sorties, nous avons croisé trois môles. Quand ils flottent à la surface, c'est en réalité pour se réchauffer au soleil après des plongées en eaux profondes.

Merci à nos compagnons de virée et singulièrement à notre « capitaine-ornithologue » Baptiste Sinot. L’aventure continue !

Aventures naturalistes dans le Mor Braz

Publié dans Biodiversité sauvage

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Pour le Chum: bien se mettre AU vent, pas SOUS le vent ...
Répondre
L
C'est ce qu'on fait, mais au vent ou sous le vent, ça pue de toute façon... ;-)
G
Excellent ! merci
Répondre
L
merci !
A
Article très intéressant. Quelle chance de pouvoir observer ces espèces si rares. Pensez-vous refaire une sortie prochainement?
Répondre
A
Oui, une sortie où je voudrais bien venir, moi aussi !
L
Merci ! Oui sans doute en octobre.
G
Un excellent secteur pour l'Océanite de Wilson... Que de bons souvenirs... lointains !
Répondre
L
Faudra que tu nous racontes ça Jojo. Gros bisous.