Expédition dans le désert de Gobi, épisode 19
Carnet de voyage d’Élise Mazaalai karshan emegtei
Devant un tel chaos de pierres, n’importe quel Occidental rebrousserait chemin. Les Mongols, non.
Ils font un petit repérage à pied, et, audacieux (ou kamikazes ?), se lancent.
On passe un chemin rocheux, un torrent, on contourne les énormes pierres de ces gorges étroites.
« Des pistes très difficiles, j’en ai connues, dit Philippe, mais à ce point… »
On serre les dents, les fesses, les cœurs battent plus fort, on fait de l’huile… Mais ça passe !
« Crazy mongol people » !, dis-je à Terbish, qui éclate de rire.
Question dinguerie, ils n’ont rien à nous envier !
On avance, on avance, on avance
Je chante à Pierre une vieille rengaine, que j’ai dans la tête depuis la veille : « On avance, on avance, on avance, c’est une évidence, on n’a pas assez d’essence pour faire la route dans l’aut’sens… faut qu’on avance !
-Ah non, maugréait-il, arrête ça ! »
C’est une évidence, on n’a pas assez d’essence… Cependant, au terme de la descente d’une piste bien à pic, on tombe sur deux cavaliers, immobiles, qui nous observent du haut d’une crête, tels des Indiens attendant le convoi des pionniers américains…
Plus loin, il y a un village.
Et de l’essence !
Sauf que le réservoir du camion de Myangaa semble fuir, et que ça pue. Bon, on n’en est plus à ça près. Pendant que j’écris (on s’est arrêté pour manger), Myangaa secoue le camion avec moi dedans (pour tester l’ampleur de la fuite ?) et se poile en me regardant me faire lamentablement secouer (sa fuite n’a pas l’air de beaucoup l’émouvoir… Il s'agit finalement juste d'un trop plein d'essence).
Depuis qu’il m’a sauvée de la tique géante, je le fais marrer. Ça le débecte de me voir scribouiller (et quand je le fais dans son camion, cela l'afflige encore plus), mais heureusement mes dessins de tiques le font rigoler.
Globalement, on se bidonne bien avec les Mongols, et ils semblent bien s’amuser aussi avec nous. L’humour franco-mongol est compatible, malgré la barrière de la langue.
Nivorolles et moucherons
Ici, c’est un coin à niverolles. Notre cuisinière Tsevgee nous a fait une petite entrée de chou râpé, dans laquelle des nuées de moucherons viennent se coller… On essaie d’abord de les enlever, mais il y en a trop. Et on crève trop la dalle pour ne pas manger. Alors, de guerre lasse, on bouffe quelques moucherons. Le grand truc de Tsevgee, ces derniers jours, c’est de nous faire des chaussons mongols à la viande (bien étouffe-chrétien) et de la soupe d’argouses.
Le Gobi B
Ce soir, nous campons dans le Gobi B, plaine immense, superbe. Je suis bien. Notre peau a pris un teint de terre cuite. Pas de parasites… quelle accalmie… Nous allons faire un affût au loup.
Terbish nous raconte qu’il a fait trois fois, en voiture, le trajet Allemagne-Mongolie. Qu’il a vécu à Moscou. A participé, enfant, au Naadam (la grande course d'endurance, à cheval, des Mongols, qui a lieu chaque année). Ce mec, c’est l’Indiana Jones Mongol.
Nous avons encore rencontré un de ses anciens élèves, cet après-midi. Nous sommes allés aux bureaux administratifs du parc du Gobi B, pour voir le projet de réintroduction du cheval de Przewalski. Nous avons vu le troupeau, avec deux poulains de l’année, en captivité pour le programme.
Équidés sauvages
Nous avons ensuite roulé dans le Gobi B, bien moins terriblement hostile que le désert minéral et sans appel du Gobi A.
Un des grands moments du voyage est, pour moi, la rencontre dans le désert avec un troupeau sauvage de chevaux de Przewalski. Ils sont très farouches, bien plus que ceux que j’avais observés en 2012 dans le parc d’Hustaï, plus au centre de la Mongolie. Ils s’enfuient au galop, magnifiques…
Nous croisons aussi un renard, des gazelles, et mon premier âne sauvage, le khulan (se prononce « roulane ») ! Je rêvais de le voir. Nous en voyons un second un peu plus loin.
L’observation du second khulan, un mâle solitaire, est fantastique. Il a un comportement beaucoup plus amusant que celui des chevaux. Trois ou quatre fois, il galope, il s’arrête, il galope, il s’arrête pour regarder. Il a peur mais sa curiosité est trop forte, il ne peut pas s’empêcher de s’arrêter et de se retourner pour nous observer ! C’est bien le côté âne, ça !
Allez, l’affût au loup se prépare, il faut avant « aller voir les chevaux » (expression mongole pour dire « aller faire pipi »). Verra-t-on le mystérieux canidé ?
Pierre, Philippe et Galaa discutent à propos des khulans (Galaa essaie de nous faire prononcer le mot correctement en mongol).
Suite au prochain épisode...