Expédition dans le désert de Gobi, épisode 21
Carnet de voyage d’Élise Mazaalai karshan emegtei
Le second camion est appelé à la rescousse, en espérant que Galaa ne s’embourbe pas à son tour.
Myangaa, lui, semble prêt à se pendre.
Vautré dans la boue, son camion est tout pourri de l’extérieur, et de l’intérieur aussi, avec la boue collante qu’on y ramène… Son visage exprime un désespoir profond.
Lui qui avait arrêté de fumer depuis le départ d’Oulan-Bator se grille une clope, morne.
Preuve qu’il va très mal, je me cogne la tête au camion et ça ne le fait même pas rigoler. Il me lance seulement un regard désespéré.
Dans la boue
Les efforts pour sortir le camion n’aboutissent qu’à le faire s’enfoncer un peu plus. Tout repose maintenant sur Galaa : va-t-il pouvoir nous sortir de là, ou bien va-t-il s’embourber à son tour ?
Je ne cesse de me dire : ouf !!! Heureusement que cela n’est pas arrivé dans le Gobi ! Nous sommes sortis du désert, et nous avons passé un village à quelques kilomètres. Mais si c’était arrivé dans le Gobi A, où ça a été parfois limite dans le sable, sans téléphone et à 250 km des premières yourtes, ça aurait été bien plus grave. Il faut savoir qu’on ne roule qu’à 30-40 km/heure, on ne peut pas aller plus vite sur les pistes mongoles.
Il pleut. Au moins, on ne mourra pas de soif ! Puis j’ai des barres de céréales plein le sac photo.
Pendant qu’on reste à l’abri dans le camion, Pierre tourne dehors, sous la pluie, préoccupé. Je crains qu’il ne finisse par attraper froid !
Surréalisme mongol
Tout à coup, Terbish se met à renifler un flacon, puis il se tourne vers nous et nous le tend. Il s’agit du petit flacon de bienvenue des Mongols (ils se le font renifler en se disant bonjour).
« C’est quoi, lui dis-je, de la cocaïne ? »
Non qu’il dit, c’est pour dire bonjour !
« Je pense qu’il essaie de nous droguer pour nous détendre », dis-je aux autres, en plaisantant à moitié.
Bon, on ne sait pas pourquoi il se sniffe ça, ni pour quoi il nous le fait sniffer, là tout à coup, dans le camion, sous la pluie, embourbés, en pleine steppe…
Je renifle le flacon du bout du nez, à moitié méfiante.
Puis le voilà, après ça, qui se met à se raser avec son rasoir électrique à piles !
« C’est surréaliste », dis-je.
« Le problème, répond quelqu’un derrière, c’est que plus il pleut, et plus ça va s’embourber.
- Il n’est pas amphibie son camion ?, demande un autre.
- L’eau va stagner, ça commence à remplir le fossé qu’on a fait.
- Va falloir chercher un tracteur dans un village, ah oui mais y’a pas de tracteur. C’est des éleveurs, pas des cultivateurs. Alors va falloir taper à toutes les yourtes. Pour trouver une dizaine de chevaux. Ou des yaks. »
Terbish, continuant sur sa lancée, nous dit en rigolant qu’il va aller nager dans le lac. Et il sort du camion... Mais en fait, il va voir Pierre qui continue à marcher sous la pluie.
On craint que Galaa ne s’embourbe à son tour. Terbish nous a déjà dit qu’on risquait bien de dormir ici…
Pierre finit par rentrer, totalement trempé, le chapeau dégoulinant, et prononce, le regard éteint, la phrase du jour :
« Y a des gambettes. »
Embourbements en série
3 heures plus tard. Il a cessé de pleuvoir. Le camion s’est embourbé une seconde fois.
Le second camion, celui de Galaa, s’est quant à lui légèrement embourbé deux fois. Il a fallu pousser 5 ou 6 fois. Et j’ai réveillé une horde de moustiques affamés, qui séchaient dans les herbes mouillées, en allant photographier une pie-grièche.
Mais grâce à l’ingénieux Galaa, qui s’est déchaussé, les pieds dans la boue (« on pourrait faire une séance de catch », dis-je à Pierre), on a enfin réussi à s’extraire.
C’est alors qu’un cri étrange monte dans la steppe, en provenance du lac.
Suite au prochain épisode...