Expédition dans le désert de Gobi, épisode 27
Carnet de voyage d’Élise Mazaalai karshan emegtei
Dix-septième jour. Lundi 4 juillet.
Ça y est. Nous allons quitter Oulan-Bator, Ulaanbataar, le « héros rouge ». Direction Moscou.
Hier soir, Terbish nous a emmenés dîner tout en haut d’une tour, pour qu’on admire la ville, aux allures soviétiques.
Comment cela est-il venu ? Nous avons parlé littérature. Terbish nous a dit que Victor Hugo, Alexandre Dumas, Jules Verne étaient traduits en mongol.
Cela nous faisait vraiment étrange d’être en ville, et dans un restaurant, avec une table à notre hauteur, tout le confort…
Puis l’hôtel, pouvoir prendre un bain – divin -, se coucher dans un vrai lit, et pas sur des cailloux.
Sans moustique, sans tique, sans poussière, mais sans le vent dans la steppe, sans les cavaliers qui passent, sans Galaa et Zoulaa qui rient au loin.
Le souffle d’un baiser
Nous avons dit au revoir à Terbish.
Il a pris Philippe puis moi dans ses bras, il m’a posé des baisers mongols sur les joues, des baisers soufflés, et non aspirés comme les nôtres.
Cela en dit long, cette façon d’embrasser. En aspirant, nous prenons, en soufflant, les Mongols donnent, ils donnent un souffle d’air, un brin de vent, la liberté.
Les cœurs étaient un peu serrés, les yeux un peu humides.
« You are my friend », lui disait Philippe.
« Good bye, Crazy French Man ! »
Nous voulons revenir. Il y a l’Est de la Mongolie, le pays des loups, et le Nord, celui des rennes.
« Very much mosquitos ! », prévient Terbish, à fond partant pour nous y accompagner.
« Envoyez-moi les photos où j’attrape les lézards ! », nous demande-t-il encore en anglais, avant de partir. Même Mongol, tout naturaliste reste un peu monomaniaque !
Bayarta… au revoir !
L’ami mongol s’en va, chéckant une dernière fois avec nous tous. « Elise ! », me dit-il, en riant et en tapant dans ma main.
Parce que putain quand même, au fin fond du Gobi A, entre des collines minérales, au crépuscule, au vent léger, dans le silence et la solitude, il était là, au loin, qui marchait dans la plaine, il était là, lui qu’on ne voit pas, lui l’invisible, lui dont on est content de ne trouver qu’une trace, qu’une crotte, qu’une touffe de poils, lui qui vit au plus reculé des plus reculés des déserts du monde, lui qui nous a donné ce cadeau, cette chance, ce moment magique, lui, qui a daigné se montrer quelques instants et faire bondir nos cœurs, lui…
Sa majesté le « Gobi Bear ».
FIN
Terminé d'écrire le 4 juillet 2016, à Oulan-Bator
Merci à la LPO et à Escursia d'avoir rendu cette expédition possible, merci aux coriaces et insubmersibles compagnons de voyage pour leur bonne humeur constante, merci à Philippe de nous avoir guidés tout là-bas ainsi que pour l’identification de nombreuses espèces et les précisions scientifiques, merci à Patrick Masure, spécialiste des roses sauvages, pour l’identification du rosier trouvé au lac Alag, merci à Pierre Le Maréchal pour l'identification de la libellule Aeshna serrata, et un grand merci à vous tous, les naturalistes et les non-naturalistes, pour tous les chaleureux emails, sms, appels et commentaires reçus au cours de la mise en ligne de ce récit et qui m’ont fait chaud au cœur.
Merci particulièrement aux remarquables coéquipiers Mongols, pour leur humour, leur courage et leur humanité.