Expédition dans le désert de Gobi (Mongolie), épisode 25
Carnet de voyage d’Élise Mazaalai karshan emegtei
Ce matin, autour du lac, j’ai trouvé un vieux fer à cheval. Terbish m’explique qu’en Mongolie, trouver un fer à cheval, ça porte bonheur. Nous lui disons qu’en France aussi et nous extasions d’avoir cette superstition en commun !
Retour à la civilisation
Nous continuons la route, vers la « ville » où nous devrons ensuite reprendre un petit avion intérieur pour rallier Oulan-Bator. Nous finissons par retrouver une route goudronnée… et des voitures ! Ça fait très, très bizarre !
Nous mangeons près d’une rivière. Dans les rochers, Terbish nous montre des gravures paléolithiques fantastiques, qui représentent des chevaux, et un ibex.
Voir ces chevaux gravés il y a si longtemps, après avoir observé les chevaux de Przewalski quelques jours auparavant dans le Gobi B, c’est particulièrement émouvant.
Perdue dans l’oasis
Puis nous arrivons à une oasis, avec des peupliers, et nous montons un peu plus loin le camp sur… de l’herbe ! De la belle herbe verte, près d’un ruisseau ! Quel bonheur !
Nous partons explorer l’oasis. Un aigle botté de forme claire, un traquet pie, des libellules à gogo, bien grosses… c’est le royaume des odonates.
En suivant les papillons, j’ai fini par me perdre dans l’oasis et commence à me faire des scénarios catastrophes (titres supposés des journaux : « Une Française capturée par des bandits mongols » ; « Elle disparut et ils ne la revirent jamais », etc.), quand au détour d'un buisson je tombe sur S. qui me demande : « Alors, t’as pas encore trouvé une chevêche ? »
La montagne chamane
Plus tard, à la longue-vue, Philippe repère des ibex dans la montagne.
Nous partons les voir de plus près.
Sur un rocher, une tête de yak est posée là, sanguinolente. Comme, tout à l’heure à côté des gravures paléolithiques, il y avait une tête de cheval, toute seule. Rites chamaniques ?
Depuis la fin du communisme, le chamanisme revient en force en Mongolie.
Je m’éloigne du groupe, explore les rochers, suis un argus, un traquet pie… A la jumelle, je scanne la montagne, dans l’espoir de quelques mammifères…
Nous trouvons aussi une aire de cigognes noires, magnifiques, avec trois petits, dans les rochers.
Mondanités
Terbish de son côté reçoit la visite de deux collègues géographes, qui arrivent de la ville voisine spécialement pour le voir, et nous serrent chaleureusement la main. Puis d’étudiants à lui, plus tard dans la nuit.
Un peu avant, nous avons reçu la visite au campement d’un berger et de son troupeau de moutons et de chèvres.
Les Mongols ont un sens aigu de l’hospitalité, de la convivialité, des liens humains. Ce sont des gens cools. Ils s’en foutent de ne pas parler la même langue que nous, de ne pas avoir les mêmes codes. Ça ne nous empêche pas de bien rigoler. Et c’est notre dernière soirée tous ensemble.
C’était la dernière séance
Même si les montagnes sont magnifiques, nous ne verrons plus de loup, ni de panthère des neiges, nous sommes désormais trop près de la ville. Mais nous avons déjà eu tellement de chance dans nos observations mammalogiques !
Piège-photo, désert de Gobi. Ce n'est pas encore cette fois que nous verrons la mystérieuse et fascinante panthère des neiges.
Le vent tiède de la plaine sèche mes cheveux mouillés. Je suis bien ici. Ni tique ni moustique ce soir, juste ce vent tiède, si agréable. Et les conversations et les rires des Mongols à côté de la tente.
J’aime la langue mongole, expressive, aux belles sonorités, comme si le vent et le bruit des sabots des chevaux s’y étaient mêlés.
J’aime définitivement les Mongols et la Mongolie, là où l’horizon est tellement plus vaste, où le silence existe encore, le calme de la steppe, l’humanité sereine de ses habitants.
Quant au désert de Gobi, merci les tiques, merci les moustiques, continuez d’être grouillants et redoutables, protégez le désert, rendez-le inhospitalier, difficile, inconfortable, vive les parasites infernaux, cerbères du désert !
La date du Naadam approche et, près de la ville, les chevaux de course mongols sont rassemblés et font leurs derniers entraînements avant le grand jour.
La nouvelle assistante cuisinière n’arrête pas de siffler, une vraie marmotte. Terbish nous explique qu’en Mongolie on fait ça pour éloigner les moustiques.
Ce soir, vodka ! Tournée générale. Pour les Crazy French men et pour les Maîtres de la Boue.
Seizième jour – Dimanche 3 juillet
Le vent est tombé durant la nuit, et des hordes de moustiques voraces sont revenues.
A ce stade, nous estimons que nous avons chacun environ 200 piqûres de moustiques.
En allant remplir une seconde fiole de sable pour la collection de Gwénaël, je trouve un second fer à cheval près de la rivière. Quelle chance !
Il pleut trop, aujourd’hui, pour faire de l’ornitho, et l’avion décolle dans l’après-midi. Nous faisons nos adieux à Galaa, Zoulaa et Doshka, qui vont retourner (en plusieurs jours) à Oulan-Bator en camion. Puis Terbish nous emmène faire un tour au marché noir, où en cherchant bien, et par bouche à oreille mongol, j’arrive à dénicher des étriers et un mors mongol. Je n’ai pas l’intention de me servir du mors (mes juments, habituées à la douceur, seraient bien trop outrées !), mais il sera une documentation intéressante pour mes études sur les chevaux. Les Mongols semblent surpris de voir une étrangère chercher des étriers et un mors ! Myangaa s’en étonne, il ne s'attendait pas du tout à me voir revenir avec ça. « Mor », lui dis-je, ce qui veut dire « cheval », en mongol.
Le temple mystérieux
La pluie cesse. Terbish nous ramène dans un coin de nature, faire un peu d’ornitho.
Mais il y a un gros temple bouddhiste à côté, aussi je fausse compagnie aux naturalistes et je décide d’aller, toute seule, l’explorer.
J’entre.
Moulins à prières, clochettes…
J’approche du temple principal, et j’entends chanter, à l’intérieur. Je n’ose pas entrer. Je me mets à la fenêtre, pour écouter. C’est beau…
Mais dedans, quelqu’un me fait signe de venir. J’entre, mais je suis très intimidée. Il y a des statues de bouddhas partout, des moines, et j’ai peur de commettre un geste qu’ils jugeraient impie ! J’observe comment font les autres : faire le tour, sortir en reculant…
Partout, des photos du dalaï-lama sont accrochées : c’est du bouddhisme d’influence tibétaine (école des Bonnets jaunes). Autrefois, les lamas mongols allaient se former au Tibet. Finalement, je préfère sortir.
Mais un lama me suit et me rattrape, me parle, me fait des signes. J’ai peur qu’il me sermonne d’être là et d’avoir pris des photos. Lui et un acolyte veulent m’entraîner vers un autre temple, plus petit. Ils insistent. Je suis seule et je ne comprends rien... Que me veulent-ils ?
Suite au prochain épisode...