Des populations de vaches bretonnes oubliées ?
A côté de races bovines bretonnes bien identifiées (Bretonne pie-noir, Armoricaine, Froment du Léon, etc., il a existé des populations mal connues, peu ou pas décrites, qui ont aujourd’hui disparu mais qui avaient vraisemblablement des liens avec d’autres races soit disparues (Mancelle) soit toujours vivantes (Canadienne). Pour la première fois, voici leur histoire…
On compte actuellement 4 races bovines en Bretagne : la Bretonne pie-noir, originaire du sud de cette région, la Froment du Léon, des Côtes d’Armor, la Nantaise, de Loire-Atlantique et enfin l’Armoricaine, la plus récente, issue de croisements entre la Durham, la Froment du Léon (de façon probablement minoritaire) et de la Bretonne pie-rouge. Cette dernière a disparu, au plus tard au cours des années 1970 (Rouger et Perhirin 1976). La Bretonne pie-noir était surtout cantonnée, au XIXe et au début du XXe siècle, au département du Morbihan et au sud du Finistère et ne dépassait guère une ligne rejoignant la pointe de Crozon à Rennes. Au nord de cette ligne on rencontrait alors la Bretonne pie-rouge essentiellement autour de Loudéac et une population autour de Carhaix ressemblant à la race Vendéenne (Champagny, 1875).
Dans le nord de la Bretagne, et singulièrement dans le nord-est (Côtes d’Armor, Ille-et-Vilaine, secondairement l’est du Finistère), la Bretonne pie-rouge est en contact avec d’autres races comme la Durham, mais aussi la Normande, tandis que les races d’Ayrshire ou de Jersey, même si elles ont sans doute été très marginales, ont pu également et localement participer à des actions de croisements. Le bétail était, en fait, assez hétérogène dans la partie nord de la Bretagne comme en témoignent les auteurs du XIXème siècle (Champagny, 1875, Heuzé 1888, Wernet 1896, etc) et du début du XXe siècle (Diffloth 1908, de Lapparent 1914, Frouin 1925, etc).
Cependant, le bétail n’a pas toujours été pie-rouge ou pie-noir. Quéméré (2006), dans sa monographie sur la Bretonne pie-noire, cite des textes anciens qui montrent que jusqu’à la Révolution, la couleur de la robe des vaches bretonnes était variable. Plus près de nous, un article peu connu de Wernet (1896), rend fort bien compte de l’hétérogénéité des robes. A côté d’animaux pie-noir ou pie-rouge, on rencontre des robes totalement noires, brunes, rouges ou fauves avec les extrémités ou le dessous plus ou moins blancs. Il y a également des robes blanches ou légèrement tachetées, appelées « garres » qui sont encore assez communes à la fin du XIXe siècle. Enfin, la robe grise (pie-bleu ?) est rare et peu prisée. (voir l’article sur les robes de la Bretonne pie-noir).
Déjà la race Durham et ses nombreux croisements avaient accaparé l’attention dans la seconde moitié du XIXème siècle. Au tournant du XXe siècle, avec la mise en place des Herd-books et les concours de toutes sortes, les zootechniciens vont s’intéresser essentiellement aux races en cours d’organisation et les plus importantes : les trois principales races bretonnes précitées ainsi que l’Armoricaine qui est en voie de constitution (d’abord sous le terme de « Durham-Breton »). Cependant l’examen de documents photographiques anciens montre qu’en certaines régions de Bretagne, on retrouve des animaux qui possèdent une suite de traits morphologiques et phanéroptiques qui leur sont communs et ce jusque dans les années 1910-1920 (principalement au tout début du XXe siècle).
Nous allons examiner deux de ces patrons et envisager quelle pourrait être leur origine.
Bovins à robe noire, fauve ou rouge foncé
Entre Lannion et Saint-Brieuc, et principalement autour de Guingamp, on remarque régulièrement sur les champs de foire ou dans les troupeaux, des animaux qui se caractérisent de la manière suivante :
la conformation est plutôt fine, les membres sont fins, le fanon est peu marqué, l’attache de la queue n’est pas en crosse, les hanches sont écartées et saillantes. La silhouette est assez élancée (davantage que les Bretonnes pie-noir et même pie-rouge). Le pis ne semble pas spécialement développé.
robe unie probablement marron ou fauve foncé, ou noir, en tout cas fortement charbonnée (les photos sont en noir et blanc, il est donc difficile d’être précis).
les cornes sont le plus souvent en coupe ou en croissant relevé, assez fines ; parfois elles sont peu ou assez peu relevées.
les muqueuses sont le plus souvent sombres (noires), parfois entourées de poils blanchâtres. Certains animaux montrent des muqueuses claires.
Ces animaux semblent avoir, tout du moins au début du XXe siècle, une répartition géographique limitée, mais bien circonscrite
Carte 1 – Répartition supposée de la Brune de Guingamp à la fin du XIXe et début du XXe siècle.
Type de vaches « Brune de Guingamp », Saint-Brieuc, Côtes d’Armor, vers 1907. La robe unie, de couleur rouge foncé ou noir, les cornes relevées et la conformation plus élancée que les Bretonnes pie-noir et même pie-rouge, sont typiques de ces animaux.
La littérature zootechnique signale, ici et là, des animaux rappelant ceux précédemment décrits. Ainsi Dechambre (1922) écrit : « Dans la région de la Montagne Noire, aux environs de Carhaix, vit une petite race à robe fauve et aux cornes en croissant. Elle disparaît insensiblement devant les autres races plus améliorés. Elle pourrait bien représenter la forme primitive des populations répandues dans les landes et sur le littoral armoricain ». D’autres auteurs, cités par Avon (2009) mentionnent des animaux de la région de Carhaix qui rappellent parfois la Parthenaise (Vendéenne) et également autour de Guingamp ou de Lannion où Collot (1851) note : « Les vaches des environs de Dinan sont plus grosses, leur robe est souvent noire, parfois tâchée de blanc. L’espèce de Guingamp ou Lannion est une des meilleures espèces de la race bretonne. Elle a un peu plus de taille et réunit tous les signes de race : le pelage est rouge-clair, ou jaune orange, parfois tâché de blanc » [NB : la dernière partie de cette description évoque la Froment du Léon]. Quant à de Champagny (1875) il souligne que « de Brest à St Malo la race bretonne y a fait place à une race secondaire, appelée race bretonne du littoral [….] se modifiant même d’un canton à un autre. Les pelages rouges et pie rouge sont les plus habituels dans cette race secondaire qui, sauf les nombreux croisements répandus sur une partie de cette zone, forme la base de la population bovine de tout le littoral »
Type de vache « Brune de Guingamp », Saint-Brieuc, Côtes d’Armor, début du XXe siècle. Autre exemple de vache à robe uniforme. Ici les muqueuses sont typiquement sombres.
Bretonnes pie-noir, pie-rouge et de type « Brune de Guingamp », Guingamp, Côtes d’Armor, années 1910. La présence d’animaux à robe unie est régulière sur les clichés du début du XXe siècle de cette région de Bretagne. Noter que l’animal de gauche présente des muqueuses claires.
Les animaux notés sur les documents photographiques du début du XXe siècle rappellent en tout cas ceux décrits par Louis Fromager, éleveur de Froment du Léon à Plouagat dans les Côtes d’Armor, à L. Avon dans les années 1990. Il disait se souvenir avoir vu, dans sa jeunesse (au début du XX° siècle), un village, où « toutes les vaches étaient noires ». D’après lui, si cette population brune-fauve ou noire n’avait pas été décrite ni organisée, c’est parce que c’était « la race des pauvres » : les notables avaient des Froment. D’ailleurs cette Froment est traitée de vache « délicate » par Guguen (1928) qui n’est pas loin d’en faire une race « élitiste ». La population brune a pu être appelée localement « Brune de Guingamp ». D’autres auteurs font allusion à ce nom, mais également à celui de « Bretonne de Guingamp », « Bretonne de Saint-Brieuc » ou encore « Bretonne des Côtes-du-Nord ».
Quels rapports ont pu avoir ces « populations » avec des races actuelles ?
Pour Guguen (1928), l’actuelle Froment du Léon serait, à l’époque où il écrit, la descendante de ces diverses populations précitées. Dans les concours officiels, elle est considérée comme la seule survivante de celles-ci. Il ne développe pas cette hypothèse qui, même si elle est plausible, ne peut être confirmée. Blanchet (1940) n’est pas très assuré quant à l’origine ancienne de la Froment du Léon et de sa place réelle parmi les autres races ou populations bretonnes. Il est cependant intéressant de constater que dans l’iconographie du début du XXe siècle, notamment les cartes postales anciennes, la Froment est particulièrement rare. Elle est même nettement moins représentée que ne le sont ces vaches brunes des environs de Guingamp régulièrement présentes dans les foires ou dans les troupeaux. Il est vrai que la Froment a été appelée la « race des châteaux ». De là à penser qu’à partir d’une souche commune, certains grands propriétaires ont sélectionné une vache raffinée, à la robe dorée comme la couleur de la crème de son lait, tandis que dans le même temps, la population « brune » n’évoluait guère et restait l’apanage des paysans pauvres…
De même, on peut s’interroger sur l’apport du bétail vendéen dans cette région de Bretagne, apport connu dans la région de Dinan dès le XVIIIème siècle, le Parlement de Bretagne ayant acquis en 1760, 52 taureaux « vendéens ». Guguen (op. cit.) reprend cette information et dans son texte, on remarque une note en marge, de l’écriture de Dechambre (qui était l’un des membres de son jury de thèse), qui dit « peut-être est-ce la source de le S/R [sous-race] froment ». Il semblerait, en fait, que ces taureaux importés à grand frais n’aient pas laissé beaucoup de traces mais ils pourraient être le révélateur de l’existence d’une population sous robe fauve ou brune dans la région car, en général, on a plutôt tendance à importer des animaux dont la robe se marie bien avec celle de la population locale.
Par ailleurs, en analysant les documents iconographiques anciens, on est parfois frappé par l’analogie entre certains de ces animaux bruns de la région de Guingamp avec ceux de la race Canadienne
Montage montrant à gauche une vache Canadienne et à droite des vaches photographiées dans la région de Saint-Thégonnec , Finistère, au début du XXe siècle. On remarquera une certaine ressemblance entre ces deux types…
Or cette race d’Outre-Atlantique est originaire de la France, où les animaux sont partis de Bretagne et de Normandie au XVIIème siècle (Avon, 2009). On ne peut donc exclure l’hypothèse qu’il soit longtemps resté des animaux assez proches de la race Canadienne, dans certaines régions pauvres de Bretagne. Nous n’avons pas la certitude de la parenté entre cette race et la race de Guingamp, mais force est de constater que les similitudes existent. De plus, il est intéressant de noter que cette dernière population a une aire de répartition bien localisée comme le montre la carte 1, aire dans laquelle le patron de robe et la morphologie restent constants.
Enfin, un document photographique ancien ci-dessous (début du XXe siècle), pris à Blonville-sur-Mer, Calvados, montre un surprenant troupeau de plus de 50 bêtes présentant toutes un pelage brun-fauve ou noir, et une morphologie très proche de la Canadienne. De cette localité est parti un agriculteur, Jean Hérou, vers 1670, et qui va s’installer au Québec et donner une descendante forte aujourd’hui de 10 000 personnes. S’agit-il là d’une pure coïncidence ou bien est-ce une indication concernant l’origine de la Canadienne actuelle qui pourrait alors avoir eu également une origine normande comme le dit aussi la tradition (Fortin, 1939).
Troupeau de vaches « noires », Blonville-sur-Mer, Calvados, début du XXe siècle. Ce troupeau reste une énigme… A quelle race ou population pouvaient bien appartenir ces animaux qui ressemblent également à Canadienne ?....
Quoiqu’il en soit, il y semble bien qu’il ait pu y avoir une population de bovins bruns, rouges foncés ou noirs, parfois avec quelques taches blanches, de Lannion à Saint Brieuc sans qu’on puisse même exclure qu’elle se soit étendue jusqu’à la côte normande. Si l’on savait exactement de quels ports sont partis les bovins envoyés par Colbert au Canada, on aurait sans doute une des clefs de l’énigme. Cette population a pu être été assimilée à des croisements Jersiais par certains auteurs car elle rappelait par sa robe et son allure sa cousine de la Manche (Heuzé 1888, Dechambre 1923, Frouin 1925). Mais comme le disait Louis Fromager, il n’y avait pas de raisons qu’on aille chercher à grands frais des vaches à Jersey alors que les paysans n’avaient pas d’argent et qu’ils possédaient déjà de bonnes laitières pour l’époque. Vache des pauvres, cette population brune n’a jamais été mise en avant.
Ajoutons pour finir que ces vaches brunes ont été encore signalées, à l’unité sans doute, jusqu’au début des années 1960. On les appelait les « Bretonnes de Guingamp » ou les « Bretonnes de Saint-Brieuc) (Patrick André, com. pers.).
Foire de Lannion, Côtes d’Armor, vers 1909. On distingue sur la gauche des vaches de type « Brune de Guingamp » tandis qu’au fond sur la droite, on remarque une vache Froment du Léon. Quels ont été les rapports et les liens en cette dernière race et la « Brune » ?
Bovins brun ou rouge à tête blanche : une Mancelle « occidentale » ?
L’examen de documents photographiques anciens fait également apparaître des animaux avec un patron bien caractéristique :
animaux plutôt élancés, de taille moyenne, mais supérieure à celle des Bretonnes pie-noir et pie-rouge.
ligne du dos droite, peu ensellée, attache de la queue peu marquée, hanches assez écartées, membres fins et secs, fanon peu marqué.
les cornes sont assez longues, en coupe, plus ou moins relevées vers le haut (parfois assez fortement), blanches ou crèmes.
les muqueuses sont claires.
la robe, autant que l’on puisse en juger sur des documents noir et blanc, est très certainement pie-rouge foncé, d’une teinte rappelant celle de l’Armoricaine, la Rouge des prés ou encore la Saosnoise. Cette robe est généralement très couverte ; le blanc n’apparaissant que sur la tête, le bas du ventre et, parfois le bas des pattes.
Il est à remarquer que le patron de la tête est particulièrement constant : celle-ci est blanche, à l’exception de « lunettes » sur les yeux (le plus souvent bilatérales, mais pas systématiquement), ainsi que, parfois autour du mufle. Ce patron évoque l’Abondance actuelle, mais également la Mancelle.
D’après les documents iconographiques, l’aire de répartition est sensiblement le même que celle de la population brune bien qu’elle soit un peu plus étendue à l’est. Outre le littoral des Côtes d’Armor, on retrouve des animaux en Ille-et-Vilaine, jusqu’aux environs de Fougères. Quoi qu’il en soit, on ne trouve guère ce type d’animaux en dehors de la région précitée.
Carte 2 – Répartition supposée de la Mancelle occidentale à la fin du XIXe et début du XXe siècle.
On sait que celle-ci a vu le côtoiement de bien des races et que la population bovine y était très hétérogène (Wernert 1896, George 1903, Guguen 1928). Cependant, les animaux ressemblent de façon assez troublante à la Mancelle. Le montage 7 montre la représentation d’une vache Mancelle primée en 1856. Tout autour d’elles, ont été placées des animaux photographiés dans cette région de Bretagne au début du XXème siècle…
Dès lors, peut-on se poser la question de savoir si ces animaux étaient ou non des représentants de la race Mancelle ou issus de croisements ?
La race Mancelle a eu probablement une répartition plus importante que ne le laissent entendre les écrits des zootechniciens de cette époque de la fin du XIXe et du début du XXème siècle. La race atteint en effet l’Indre-et-Loire, le Loiret, et même la Seine-et-Marne vers l’est (il y a même des bœufs manceaux jusque dans l’Aisne et les Ardennes !) et on la trouve jusqu’en Loire-Atlantique à l’ouest (Dubois 2011). Elle est signalée dans le nord de la Bretagne – est du Finistère, région de Dinan, région de Rennes, etc. (notamment Moll & Gayot 1860, George 1903, de Lapparent 1914). De même, au tournant du XXème siècle, cette race Mancelle est remise en avant, dans la Sarthe, par le Sénateur Legludic (1902) qui en fait la promotion et tente de l’organiser. Elle est de nouveau présente dans les concours régionaux de Nantes en 1909, de Rennes en 1911 et même au concours général de Paris de 1912. Il existe des photos montrant des animaux manceaux au concours de Rennes. Ce n’est pourtant pas une race qui, à l’époque, a le vent en poupe (et d’ailleurs la Première guerre mondiale lui sera fatale…) et qui intéresse beaucoup les zootechniciens. Elle a été principalement croisée avec la Durham et la Durham-Mancelle est d’ailleurs en pleine élaboration pour aboutie à la Maine Anjou. En même temps, on ne se préoccupe guère de ce qui se passe dans les campagnes du nord de la Bretagne où la population bovine est considérée surtout comme hétérogène. La présence d’animaux manceaux n’est en tout cas pas impossible, au vu de sa répartition plus importante que ce qui fut écrit en son temps… La taille des animaux n’est pas toujours très importante, elle semble l’être moins que celle de la « Mancelle améliorée » proposée par Legludic.
Montage présentant une vache Mancelle (1856, en haut au centre), entourée de plusieurs photos montrant des vaches bretonnes de type « Mancelle occidentale ». On notera la grande similitude de l’ensemble des animaux entre eux et avec la Mancelle du XIXe siècle.
L’autre hypothèse pour expliquer la présence de ces animaux au patron plutôt homogène est un croisement entre plusieurs races. L’examen attentif des animaux, nous permet de penser que la Normande n’a sans doute pas été très impliquée dans cet éventuel croisement. La forme des cornes, la panachure de la robe et, simplement, la conformation des animaux ne plaide pas pour un tel apport. Il est en revanche possible que l’on ait eu des croisements entre la Bretonne pie-rouge et la Mancelle. Le patron ‘’manceau’’ est vraisemblablement porté par un gène simple qui se transmet en bloc ce qui pourrait expliquer que l’on retrouve la robe mancelle chez ces animaux. En revanche, on ne retrouve guère la forme des cornes en lyre de la Bretonne pie-rouge. Celles-ci sont davantage en coupe, plus ou moins relevée.
Alors ces animaux sont-ils de petites Mancelle ou bien des animaux croisés entre cette race et la Bretonne pie-rouge ? Ou bien ont-ils encore une autre origine ? Il est par ailleurs troublant de constater que pour certains auteurs du XIXe siècle, la Mancelle serait issue de croisements entre races Bretonne, Vendéenne et « Jurassique ». Si c’est le cas s’est-il trouvé une population localisée dans cette partie de la Bretagne, qui aurait longtemps perduré, ayant des caractéristiques rappelant celles de la Mancelle et étant issue du même type de croisements ? Gustave Heuzé (1888) signale que « près de Rennes les races Mancelle et Normande se seraient alliées à la race Bretonne ». Enfin un auteur anonyme note que dans le sud de l’Ille et Vilaine « on rencontre des animaux s’apparentant aux bovins manceaux »
Pour l’heure, on ne peut qu’en rester au stade des hypothèses.
On voit donc que jusqu’aux premières années du XXe siècle, deux types de bovins ont vécu en Bretagne, qui n’avaient apparemment pas de rapport direct avec les races locales connues. L’un, de coloration brune charbonnée, ou noire, qui ressemble assez fortement à l’actuelle Canadienne. L’autre, au patron de robe quasiment identique à celui de la Mancelle, qui a pu être cette race ou un croisement proche ou encore avoir une origine assez similaire. Dans tous les cas, ces « populations » n’ont guère été mentionnées en tant que tel, du moins pas par les zootechniciens de l’époque, alors qu’elles figurent régulièrement dans les documents photographiques de cette même période… Concernant la « Brune de la région de Guingamp », il semble bien qu’elle ait perduré pendant plus longtemps que pour la « Mancelle occidentale » (pour leur donner des noms).
Race, population, croisement, ces animaux ont sans doute emporté leurs mystères avec leur disparition. Les témoignages iconographiques que l’on a conservés, posent plus de questions qu’ils ne donnent de réponses. D’autant que la littérature ne nous aide guère. Mais à regarder les affinités que ces animaux ont pu avoir avec des races, disparues ou encore existantes, ils nous apportent quelques éléments d’un puzzle qu’il reste largement à compléter.
Bibliographie :
Avon L. (2009). Fiche :La race bovine Canadienne : in Races françaises à faibles effectifs -24 fiches- statistiques. Institut de l'Elevage, Départemet Génétique, CR n° 010972 032, 19-20.
Avon L. (2009). Fiche : La race bovine Froment du Léon : in Races françaises à faibles effectifs -24 fiches- statistiques. Institut de l'Elevage, Départemet Génétique, CR n° 010972 032, 29-30.
Avon L. (2009). Fiche : La race bovine Saosnoise : in Races françaises à faibles effectifs -24 fiches- statistiques. Institut de l'Elevage, Départemet Génétique, CR n° 010972 032, 45-46.
Blanchet Ch. (1940). La race Froment Bretonne dans les Côtes-du-Nord. Thèse, Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, 48 p.
Dechambre P. (1922). Traité de zootechnie - tome III : les bovins. Ch. Amat, Paris, 634pp.
Dechambre P. (1923). La production bovine de la Bretagne, Revue de Zootechnie 2 : 93-102.
de Champagny P. (1875). Enquête sur le bétail dans les départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord, Société des Agriculteurs de France, Paris au siège de la Société, 1 rue le Peletier, 32 p.
Collot E. (1851). Traité spécial de la vache laitière et de l’élève du bétail, 2ème édition. Librairie de Paul Dupont, Paris.
Diffloth P. (1908). Races bovines - France et Etranger. Librairie J-B Baillière et fils, Paris.
Dubois Ph. J. (2011). A nos vaches… Inventaire des races bovines menacées ou disparues de France. Delachaux & Niestlé.
Fortin de Gonzague L. (1939). Histoire de la Race Bovine Canadienne. La Bonne Terre, St Anne de la Pocatière, 278 p + biblio + photos + table des matières.
Frouin M. (1925). Rapport au Conseil Général des Côtes-du-Nord.
George H. (1903). La race bovine bretonne. Journal d'Agriculture pratique 1903 : 187-190.
Guguen Th-F.M. (1928). De l’élevage et de l’exploitation de la race bovine cotentine dans le département des Côtes-du-Nord. Thèse vétérinaire, ENVA.
Heuzé G. (1888). La race bovine bretonne. Journal d’Agriculture pratique 1 : 270-271.
Lapparent H (de). (1914). Etude sur les races bovines. Variétés et croisements de l'espèce bovine en France. Extrait du Bull. mens. De l'Office des Renseignements agricoles,136pp.
Legludic L. (1902). La Race Mancelle. Sa reconstitution. Imprimerie Sarthoise, Le Mans, 64p.
Moll L.& Gayot E. (1860). La connaissance générale du bœuf. Etudes de zootechnie pratique. Frimin Didot, Paris, 600p.
Quéméré P. (2006). La Bretonne Pie Noir - Grandeur - Décadence – Renouveau. Editions France Agricole, 192p.
Rouger Y. et Perhirin J. (1976). Les bovins bretons. Penn Ar Bed 84 : 277-289.
Wernert A. (1896). Les vaches de race bretonne - les bœufs bretons : étude pratique. Imprimerie A. Michel, Paris.
Cet article a été précédemment publié dans la revue Ethnozootechnie n°90 (2011) par Philippe J. Dubois et Laurent Avon, et reproduit ici avec l’aimable autorisation de Bernard Denis, directeur de la publication.