COP21 et changement climatique : et donc ?
Que c’était émouvant cette assemblée unie, faisant une standing ovation à Laurent Fabius, ému, et aux organisateurs de la COP21, après que le petit marteau de bois peint en vert ait frappé le coup ultime clôturant ce sommet mondial par un accord unanime. Oui, et après ?
Chacun est retourné chez soi, éreinté par le marathon, heureux d’avoir apposé sa signature au bas du document, l’esprit plein de promesses et de bonnes résolutions. C’était samedi 12 décembre. Le lendemain, le 13 donc, on ne parlait plus en France que des Régionales. Et le 14, la cuisine politique reprenait le dessus, avec ses effluves aux relents pas toujours ragoûtants.
Le bel accord, le bon accord. Unanime vous dit-on. Même l’Arabie Saoudite l’a signé, ce qui pourrait laisser paraître qu’il n’est peut-être pas aussi bon pour la planète que cela. Vu le peu d’empressement que ce pays, comme d’autres, producteurs de pétrole, ont mis à ne pas avancer dans les négociations.
Le bel accord, qui va au-delà des 2°C fatidiques et propose même – soyons fou ! – de rester dans l’étiage de 1,5°C de réchauffement d’ici 2100. Dans le même temps, des centaines scientifiques prédisent qu’au rythme où l’on va, nous sommes sur une trajectoire de +3°C pour cette même échéance. Ça rappelle le type qui n’arrive pas à sauter 1,20m en hauteur, mais qui demande à ce que l’on mette quand même la barre à 1,60m. Et qui se la prend en pleine poitrine…
L’accord est tellement beau que Patrick Pouyanné, PDG de Total dit que « c’est un très bon accord qui donne un signal important ». Ah bon ? Un signal pour qui ? Pour les acteurs pétroliers et gaziers ? Mais n’a-t-on pas dit qu’il fallait chercher à augmenter la production d’énergies renouvelables ? Si c’est à quoi pensait Monsieur Poyanné, il aurait dû nous dire aussi que Total s’y lançait dès demain et à corps perdu. Mais non…
Le bon accord enfin, dont on a tellement rêvé qu’on ne va pas le mettre en place avant 2020, c’est-à-dire dans 5 ans (mais pourquoi pas dès à présent ?), et sans imposition de révision des engagements avant 2025 : et avec ça, on dit que l’on veut limiter le réchauffement à 1,5°C ? Pardon, mais il y a quelque chose qui nous échappe.
Alors, oui, la conférence de Paris aura été le sommet des bonnes intentions. Pour les pays en voie de développement (100 milliards de dollars par an mais… à partir de 2020), pour ceux qui sont les pieds dans l’eau (si, si, +1,5°C seulement on vous dit). Le sommet des bonnes résolutions : énergies renouvelables ? Pas de souci. Réduction des gaz à effet de serre ? Vous pouvez compter sur nous. Aide aux pays pauvres ? C’est comme si c’était fait. Donner un prix au carbone ? Mais bien entendu ! Et quand tout ça ? Ah, le bel et bon accord procrastinateur !
Donc, entre cinq et dix ans, on va pouvoir continuer à émettre autant de gaz à effets de serre, extraire autant d’énergies fossiles, vivre une surconsommation avec le même allant comme si rien ne s’était passé. Mais on vous promet : demain, on change ! Enfin, le « plus tôt possible » (comme le stipule noir sur blanc le document final). Pendant ce temps, la planète continue à suffoquer, les écosystèmes se ratatinent, les espèces disparaissent.
Nombreux sont les scientifiques qui voient dans ce texte beaucoup de « flou », de « vague », d’imprécisions (« pic d’émission des gaz à effet de serre le plus tôt possible » et non d’ici 2020 ou 2030, neutralité des émissions « durant la seconde moitié du siècle » et non d’ici 2050, etc.). On ne peut, malgré les applaudissements et les larmes du Bourget, qu’être d’accord avec eux.
PS. En 1992 s'était tenu le Sommet de Rio, au cours duquel les scientifiques et les politiques avaient lancé ce cri d'alarme "il reste dix ans pour sauver la planète !". Qui s'en souvient ?
Pour en savoir plus, lisez Pour ne pas finir grillés comme des sardines – Petit manuel climatique.