Un écrin de biodiversité en Vexin français
L’Ile-de-France, ce n’est pas vraiment notre truc. Dès que possible, on met les voiles vers de plus vertes prairies. Pourtant, l’autre jour, on est allé dans un endroit qu’on aime bien, près du deuxième sommet de l’Ile-de-France (oui l’Ile-de-France a un sommet), qui culmine à 214 m ! Et là, ce fut un petit instant de bonheur. Découverte en images…
La petite route qui serpente entre Le Rosnel et Le Heaulme propose un point de vue vers le sud-est et les plaines céréalières piquetées de petits bois. Cette route est bordée de clôtures et de haies remplies de mûres. Le regard se perd sur un horizon boisé, sans l’ombre d’une ligne à haute-tension ni la moindre barre d’immeubles. On se croirait bien loin de Paris, alors qu’on est à moins d’une quarantaine de kilomètres de la capitale, à vol de buse variable. En parlant rapaces, la bondrée apivore (rapace migrateur qui va hiverner en Afrique équatoriale) et le faucon hobereau (amateur d’insectes et d’hirondelles qu’il chasse en plein vol) sont d’observation régulière. Le bruant jaune égrène son chant triste, tandis qu’une petite troupe de chardonnerets s’activent dans un champ de céréales fraîchement coupé. C’est l’été dans sa plénitude, les oiseaux ont fini leur besogne.

Panorama du site : la petite route, les piquets de clôture en bois, les haies vives, un petit muret de pierres, un troupeau de vaches lointain. Un tout petit coin de quiétude, loin du bruit et si proche de nous.

Plan rapproché

Il y a des mûres partout, même si, visiblement, d’autres avant nous, sont déjà passés.

Le secteur dans les années 1920. Franchement, ça n’a pas beaucoup changé.

Le village du Heaulme dans les années 1960. Quasiment la même route, les mêmes piquets !
Pourtant, sur cette petite route déserte, nous avons découvert un couple de pies-grièches écorcheurs qui nourrissait encore deux jeunes. Ce n’est que le deuxième cas découvert cette année dans le département du Val-d’Oise. Dans l’ouest parisien c’est une espèce rare (elle est plus fréquente en Seine-et-Marne). C’est typiquement une espèce inféodée aux milieux ouverts, bien conservés, où se mélangent harmonieusement vieilles haies d’épineux et prairies. Autant dire un milieu qui tend à disparaitre en Ile-de-France. Comme la pie-grièche écorcheur en Ile-de-France, d’ailleurs. Témoins d’un paysage révolu qui a fait place à la monoculture céréalière.

Le mâle de pie-grièche écorcheur surveille les alentours et alarme avec force dès que nous nous approchons des jeunes.

Un gros coléoptère au bec, la femelle nourrit sans cesse.

Un des deux grands jeunes. Dans quelques jours il s’envolera pour l’Afrique de l’Est où il passera l’hiver.
Un peu plus loin, un troupeau de vaches allaitantes se prélasse dans une prairie, à la journée finissante. De grosses Limousines à la robe fauve et quelques Charolaises. La plupart ont encore des cornes (on se pincerait presque à la vue de tels animaux, aujourd’hui pour la plupart écornés). Les grillons entament leur chœur vespéral.

Limousines (au second plan) et Charolaise (au premier). Entre leurs pattes sautent les sauterelles
et chantent les grillons. Plus loin, c’est une troupe de chardonnerets qui mangent les graines des plantes laissées par les bovins.
Des haies, des mûres, des vaches avec des cornes, des pie-grièches et des grillons ! On se croirait revenu un demi-siècle en arrière. D’autant que nulle ligne à haute tension n’est visible, et les avions semblent s’être momentanément détournés de notre ciel. Et dire, une fois encore, que l’on est à quelques encablures de Paris, de sa cohue et de ses embouteillages.
Ah si vous saviez, Parisiens speedés et banlieusards maudissant les transports en commun, si vous saviez comme il faisait bon, ce soir là, de voir la femelle de pie-grièche écorcheur nourrir ses deux grands jeunes, tandis que le mâle, perché dans un prunellier, faisait le guet !