Réseau Paysans de nature : quand des agriculteurs protègent l’environnement
Ils sont quelques dizaines en France, principalement dans l’Ouest. Des pionniers, qui vont bien plus loin que la simple production en « bio ». Naturalistes devenus paysans, surtout, mais aussi paysans devenus gardiens et gestionnaires avisés de la nature. Leur but commun : réconcilier nature et agriculture.
Il est tout aussi connu dans le monde de la protection de la nature que dans celui de la préservation des races agricoles à petits effectifs : Frédéric Signoret, le leader du réseau Paysans de nature, est un naturaliste. Il est même le président de la Ligue pour la protection des oiseaux en Vendée (LPO). Mais c’est également un paysan, éleveur de vaches maraîchines, en bio. Le tout sur l’un des sites naturels les plus riches de l’ouest de la France : le Marais Breton, en Vendée. Ici les animaux paissent sur des prairies humides où nichent vanneaux, barges à queue noire ou chevaliers gambettes.
Frédéric est loin d’être un doux rêveur : c’est un homme de conviction et d’entreprise. Il sait manager sa ferme avec clairvoyance. Ses vaches, de race Maraîchine, appartiennent à une race à petits effectifs. La viande est vendue en circuit court. Les terres sont des espaces naturels sous haute surveillance car incomparables en France. Avec sa méthode douce d’élevage, respectueuse de la biodiversité sauvage, Frédéric Signoret a restauré un équilibre unique entre le domestique et le sauvage. Entre production et conservation. Il vit, il vit bien et se permet même de partir 3 semaines en vacances par an. Qui dit mieux ?
Paysans de nature est donc un réseau de fermes qui prend en compte la biodiversité sauvage comme un élément totalement intégré à la gestion de l’exploitation agricole. Chaque ferme est un conservatoire. Et pas que d’espèces remarquables. Mais aussi de ce que l’on appelle la nature « ordinaire », indispensable à notre vie. L’objectif de ce réseau est la valorisation, la promotion et la diffusion d’expériences agricoles vertueuses.
Les associations environnementales sont dépositaires de la charte qui lie les « paysans de nature ». Cette charte engage chacun d’eux à respecter et à valoriser la biodiversité sauvage. En retour, les associations (comme la LPO par exemple) forment les paysans qui en ont besoin à cette démarche et les aident à valoriser leur travail.
On trouve au sein de Paysans de nature des personnalités et des exploitations variées. Ainsi, Jean-Noël Pitaud, saunier sur l’île de Noirmoutier qui exploite un sel de très haute qualité et qui protège en même temps une colonie d’avocettes élégantes ! Sur le rebord de ses marais salants, de temps en temps, il trouve des traces de loutres…
Ailleurs ce sera un travail de conservation d’une population d’orchidées sauvages avec le pâturage raisonné de moutons, là, la protection d’insectes rares avec une gestion intelligente de la fenaison.
Selon Thomas Rabu, paysan-boulanger et éleveur d’ovins, « être paysan-cultivateur, au sens noble du terme, participe de l’entretien et du maintien de la biodiversité ».
Et ça fonctionne ! Protection de l’environnement, valorisation des produits (bio) en circuit cours, tout cela crée des emplois… et des vocations ! Ce qui différencie les paysans de nature des agriculteurs traditionnels, c’est que chez les premiers, chaque espèce, animale ou végétale, sauvage ou domestique, a sa place. Pour résumer : « on n’exploite pas notre terre, on la cultive », comme aiment à le dire Jean-Louis et Sophie Bonnin, éleveurs dans le Maine-et-Loire.
Face à l’uniformisation que l’on veut imposer à grande échelle à l’agriculture, les paysans de nature veulent retrouver de la diversité, essentielle pour la pérennité cette activité.
Car l’agriculture moderne a oublié une chose : elle ne peut vivre sans les bactéries du sol, les plantes des prairies, les insectes pollinisateurs et tout ce qui constitue la biodiversité. Ce n’est pas une chimère d’écolo idéaliste, c’est du simple bon sens scientifique.