Hirondelle de fenêtre à Paris : la fin ?

Publié le par lesbiodiversitaires

L’hirondelle de fenêtre est-elle en train de disparaître de Paris ? A en croire les ornithologues parisiens qui l’étudient, on peut le craindre.  
        
Attention ! il ne faut pas confondre hirondelles et martinets : ces derniers, ce sont ces oiseaux au plumage noir qui sillonnent le ciel des villes – et de Paris – les soirs d’été, en poussant des stridulations. Nous en avons parlé il y a quelques temps.
L’hirondelle de fenêtre – Delichon urbicum pour les scientifiques – est beaucoup moins fréquente à Paris que le martinet noir. Elle peuple cependant depuis longtemps la Capitale, nichant ou ayant niché sur des bâtiments célèbres de la ville comme le Louvre, le Caroussel, le Pont Neuf, etc.
 
On la reconnait et la distingue aisément du martinet noir par sa taille inférieure, ses ailes nettement plus courtes, son ventre blanc, de même que son croupion, lequel tranche vivement sur le dos et les ailes bleu nuit de l’oiseau.
 
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Hirondelle de fenêtre (photo Fabrice Jallu)
 
Depuis 1993, les ornithologues parisiens font des recensements le plus précis possible des couples qui se reproduisent. Ainsi, cette année-là, il y en avait autour de 600 couples, répartis sur 10 arrondissements. Ce chiffre devait d’ailleurs être un minimum. Les années suivantes, les effectifs étaient un peu inférieurs, mais les recensements n’étaient vraisemblablement pas complets. En 2006, après un comptage très précis, on atteint le chiffre de 550 couples, un record, mais un mois de juillet caniculaire, suivi d’un mois d’août pluvieux, froid et venteux provoquent une très forte mortalité des jeunes et d'une partie des adultes.
Les oiseaux ne s’en remettent visiblement pas : en 2007, on ne compte, selon Pablo Golondrino et Olivier Sigaud, que 145 couples et 100 en 2009. A partir de 2010, se produit une très lente remontée (130 à 140 couples), mais l’espèce a disparu des 6e, 15e et 17e arrondissements. En 2013, toujours selon Pablo, on atteindrait péniblement les… 75 couples.
 
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Hirondelles de fenêtre en train de collecter de la boue pour la construction de leurs nids
 
Ce qui est très inquiétant c’est que le déclin l’hirondelle de fenêtre ne touche pas que Paris mais visiblement l’ensemble de l’Ile-de-France. Ainsi on estimait à peu près à 20 000 le nombre de couples nichant dans la région en 2004. Pablo Golondrino, qui sillonne l’Ile-de-France en tous sens  pour étudier l’espèce, se montre en effet très pessimiste.  Il n’y avait sans doute plus que 8 000 couples pour toute la région en 2007, chiffre probablement divisé par deux en 2013 avec 4 000 couples nicheurs. Des sites célèbres, comme le château de Versailles, comptait 423 couples en 2004, seulement 80 en 207 (mais 140 en 2012). Il n’y en a 52 couples cette année…
 
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Jeune  hirondelle de fenêtre au nid, peu avant l’envol.
 
L’hirondelle de fenêtre se reproduit sur les façades des maisons et des immeubles, sous les rebords des fenêtres et des balcons, les encorbellements, sous les gouttières, etc.  Certes, elle fait quelques salissures avec ses fientes, mais dans notre monde que l’on veut totalement aseptisé, les propriétaires de maisons ou de pavillons ne supportent pas ces messagères du printemps (et porte-bonheur dans bien des pays du monde) et détruisent les nids. Ce qui, au passage, est interdit par la loi et passible de plusieurs centaines d’euros d’amende !  Du coup, l’avenir des hirondelles de fenêtre est peut-être meilleur sur les bâtiments publics – où les protecteurs des oiseaux tâchent de convaincre de la nécessité de protéger les nids et les oiseaux – que sur les habitations individuelles. A Pontoise (Val d’Oise), où nous suivons depuis des années les hirondelles sur le bâtiment de la gare SNCF ainsi que sur le château de Grouchy à Osny (commune voisine), les effectifs se maintiennent vaille que vaille. Il faut dire que la gare d’Osny a posé des nichoirs à notre demande et qu’il a fallu faire intervenir le président de la LPO pour que la mairie d’Osny ne passe pas au karcher les nids des squatteurs ailés…
 
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Nids artificiels d’hirondelles de fenêtre (flèches rouges) posés sur la gare SNCF de Pontoise (Val d’Oise) qui favorisent l’installation des nids naturels (flèches jaunes) et le maintien des colonies.
 
Conditions climatiques difficiles, destructions (illégales) des nids sur les bâtiments, manque évident d’insectes (surtout dans les villes), sans compter les aléas de la migration et des conditions d’hivernage difficiles en Afrique, tout semble se liguer contre notre Delichon. J’ai le souvenir de groupes virevoltants au-dessus du Pont-Neuf à Paris, voici encore quelques années. Cette image appartient désormais au passé.
Perte dans la Capitale, perte dans la région, et sans doute perte en France, l’espèce est aussi en diminution en Europe. Comme beaucoup de petits passereaux insectivores te migrateurs, l’avenir de l’hirondelle de fenêtre, à Paris comme ailleurs, est chaque jour un peu plus incertain.
 
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Indice d’abondance de l’hirondelle de fenêtre en Europe, période 1980-2009
(source : European Bird Census Council).
 

Publié dans Biodiversité sauvage

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