Races domestiques de Corse : une île encore préservée
La Corse recèle une belle diversité de races domestiques, largement préservée de l’influence de races continentales. Du moins c’est ce qui est aujourd’hui souhaité par les acteurs locaux. C’est une bonne initiative que de maintenir ces races – pour la plupart à faibles effectifs – ou d’essayer de revenir aux sources. Petite visite guidée.
Cheval corse
C’est une race très ancienne, qui a subi, au fil des siècles, des influences notamment avec des chevaux barbes, mais aussi espagnols et arabes.
Ce cheval racé, au caractère froid, est très beau. A sa silhouette svelte et assez élancée, il allie une endurance à toute épreuve et un pied sûr. Il fut longtemps compagnon des bergers, animal de bât, servant aussi à l’agriculture, mais également à la guerre et devient, de nos jours, cheval de loisirs (endurance, randonnée, monte western). De 1,30 m à 1,50 m au garrot, il possède une robe baie, parfois noire et sans marques blanches (une étoile au front est tolérée).
A la fin du XIXe siècle, on estime à plus de 10 000 le nombre de chevaux corses. Une consultation de documents anciens (cartes postales ou autres) montre que l’âne et la mule étaient probablement plus communément présents que le cheval. Mais le cheval corse a beaucoup diminué et, après avoir été au bord de l’extinction, on compte aujourd’hui 150 à 160 juments et 10 étalons. En 2012, la race Corse a été reconnue officiellement. De nos jours, celle-ci est totalement liée à la Corse et n’est pas élevée sur le Continent.
La bonne adresse : U Cavallu Corsu - http://www.site-officiel-le-cheval-corse-u-cavallu-corsu.com
Jument pleine, élevage Santoni, Borg, Haute-Corse
Jument, élevage Chiaroni, Patrimonio, Haute-Corse
Etalon, élevage Provent, Farinole, Haute-Corse
Âne corse
Comme le cheval, et les autres races, l’âne corse est présent sur l’île depuis la nuit des temps. Il est le compagnon fidèle des petits cultivateurs, capable d’endurer beaucoup et de rendre tous les services possibles pour le bât.
La race n’est pas (encore) reconnue. Il en existe deux formes. Le type de petite taille, à la robe grise et portant la croix de Saint-André, d’un garrot d’environ 1,17 m. Il ressemble donc un peu à l’Âne gris de Provence, mais il est probable qu’autrefois sa taille ne devait pas dépasser un mètre. L’autre type, plus grand, qui a subi l’influence de l’Âne catalan (et aussi le Baudet du Poitou), est de couleur brune, plus sombre et mesure 1,24 m en moyenne au garrot.
U sumeru (c’est son nom corse) était très commun jusqu’au début du XXe siècle, puisqu’on en comptait 20 000 dans les années 1930. Ses effectifs ont chuté à 3 100 en 1970 et l’on ne compte aujourd’hui guère plus de 300 individus de souche pure. Cela dit, il semble qu’il n’y ait pas eu beaucoup d’apport de sang continental au cours des dernières décennies.
La bonne adresse : Insul’âne, lieu-dit Igliastre, 20270 Tallone.

Anes corses petit format (au centre) et grand format, vers les années 1930
Anes corses (petit format), Patrimonio, Haute-Corse
Mule corse
Pas étonnant qu’avec un cheval et un âne locaux, on ait des mules en Corse. Comme l’âne, elle était très commune autrefois, mais ici comme ailleurs, elle a subi la concurrence de la traction motorisée. Dans le même temps, l’armée cesse d’en produire. Elle est donc devenue très rare également. On en comptait encore 7 500 en 1925, seulement 500 en 1981. Nous ignorons les effectifs actuels. Cependant, il semble à présent qu’elle retrouve quelques couleurs, étant utilisées notamment pour des randonnées en montagne corse.
Autrefois, elle était de petite taille, mais avec l’apport de baudets venus de France et d’Italie, elle a gagné en taille pour atteindre aujourd’hui 1,35 à 1,40 m. Sa robe est baie.
La Mule corse n’est pas reconnue.

Chevrier et sa mule, années 1950
Mule vers Morosaglia, Haute-Corse
Vache corse
La vache corse fait partie du patrimoine insulaire. C’est une race très ancienne, qui a probablement des origines grecques et balkaniques, mais peut-être aussi d’Afrique du Nord, tant les influences mauresque, sarrasine et byzantine sont importantes.
C’est une vache de petit gabarit, initialement de 1 m à 1,10 m au garrot (mais qui a grandi à la suite de croisements et de modification du système d’élevage). La race Corse est sobre, vigoureuse. Elle a le pied sûr et se rencontre dans des milieux hostiles (haute montagne, maquis).
Elle a subi de nombreux croisements à partir des années 1970, notamment avec l’importation d’animaux de races Charolaise, Limousine puis Aubrac. Les troupeaux de la plaine orientale sont très métissés, et c’est en montagne (Castagniccia, Niolu, etc.) que l’on rencontre encore des animaux purs. Les taureaux de race purs sont d’ailleurs nombreux à l’état sauvage, plus agiles que ceux d’autres races pour se déplacer dans les pentes escarpées.
La couleur de la robe est très variable. Celle qui semble la plus typique, en tout cas, c’est un pelage fauve, fauve foncé à extrémités noires, voire presque noire. Egalement robe roussâtre, froment, mais aussi pie noire, pie-rouge, gris sans teinte définie, parfois « tigrée ». Les cornes sont assez longues, disposées généralement en croissant, les pointes ordinairement dirigées vers l'intérieur ou vers le haut.
Les effectifs sont difficiles à connaître. On estime ainsi à 10 000, le nombre de vaches mères au début des années 2000, mais cela englobe des animaux croisés. Le nombre de « vraies » vaches de race Corse se situe plutôt autour de 3 000 à 4 000.
Depuis 2003, s’est mis en place un travail pour donner un vrai standard à la race, garder un cheptel de race pure et valoriser la viande comme cela a été fait avec la charcuterie. C’est un travail de longue haleine mais qui est vital si l’on veut que la race Corse survive.
La divagation des animaux semble poser problème à certains fonctionnaires en poste sur l’île, pour des raisons de sécurité routière. Il est aussi possible de rouler moins vite sur les routes corses pour le bonheur des vaches et du nôtre !
La bonne adresse : Corsica Vaccaghji, 7 rue Colonel Ferracci 20250 Corte.

Taureau, Bastia, débtu du XXe siècle. Noter le petit format de l'animal
Jeune taureau à robe fauve charbonnée, Calacuccia, Haute-Corse
Vache froment charbonnée à robe et cornes assez typiques, Barcaggio, Haute-Corse
Vache, col de Rogliano, Haute-Corse
Vache pie-rouge (petit format), Albertacce, Haute-Corse
Chèvre corse
Cette chèvre d’origine très ancienne appartient probablement au rameau méditerranéen. Elle a subi probablement des métissages avec des animaux en provenance d’Italie et d’Afrique du Nord. Comme les autres races domestiques, la race Corse est particulièrement bien adaptée aux zones difficiles (maquis, brousse, montagne).
La chèvre pèse entre 35 et 45 kg, et elle a gagné un peu en poids au fil des décennies. Elle est de robe polychrome, c’est-à-dire assez multicolore, panachée : noire, blanche, grise, beige ou ou marron, parfois pie ou tricolore. Le poil est long ou mi-long. Les cornes sont parallèles et recourbées vers l’arrière (il y a des individus « mottes », c’est-à-dire sans cornes).
La population insulaire a régressé passant d’environ 150 000 animaux dans les années 1990 à 45 000 dans les années 2000 et environ 30 000 aujourd’hui. En 20 ans, la filière a perdu 40 % de son cheptel. La race est cependant reconnue officiellement.
L’élevage des chèvres est à double voie. D’abord, historiquement, pour la viande, avec notamment la production de cabris particulièrement prisés au moment des fêtes de Noël. Mais la production fromagère a contribué au renom de la chèvre corse. Elle produit non seulement le fameux brocciu (à base de lactosérum et qui possède à présent son AOP), mais aussi un grand nombre de fromages locaux, particulièrement bons pour ceux qui aiment les fromages qui ont du goût. Si le fromage corse s’exporte vers le contient, la race Corse, en revanche, se trouve quasi exclusivement sur l’île.
La bonne adresse : Capra Corsa, Chinio 20160 Vico.

Chèvres, début du XXe siècle. Noter la petite taille des animaux
Chèvre, Calacuccia, Haute-Corse
Chèvre, Morosaglia, Haute-Corse
Mouton corse
Cette race très ancienne appartient, avec la Sarde, à la famille des races jareuses méditerranéennes (laine à poils longs et raides). C’est un mouton de petite taille, qui ne pèse guère plus de 35-40 kg pour la brebis. Elle se caractérise par une tête fine, de petites oreilles, et, ce qui est remarquable, c’est la finesse des pattes alors même que l’animal est capable d’aller sur des terrains très accidentés ! Le mâle porte des cornes enroulées en spirales alors que la brebis peut en posséder mais pas nécessairement. La toison est constituée de longues mèches qui protègent bien les animaux en hiver et contribue à leur grande rusticité. Elle est indifféremment noire, blanche, rousse ou grise, même si, autrefois, elle était majoritairement noire.
Le mouton corse valorise parfaitement les terrains difficiles. L’hiver, il fréquentait autrefois les zones littorales et marécageuses, l’été les montagnes du centre de l’île. Cette double transhumance n’existe plus, et celle d’été a quasiment disparu, les troupeaux s’étant sédentarisés.
La population ovine corse s’élève à un peu plus de 100 000 animaux, de race Corse dans leur très grande majorité. Il existe à présent quelques troupeaux de cette race sur le Continent.
Elle est surtout réputée pour son lait, plutôt abondant et de bonne qualité. Le fromage de brebis corse est lui aussi très ancien, mais sa production s’est industrialisé à partir de la fin du XIXe siècle quand les industriels laitiers, venus de Roquefort, ont débarqué sur l’île.
Aujourd’hui les variétés de fromage de brebis corses sont nombreuses, très souvent excellentes. Comme la chèvre, le mouton corse participe aussi à l’élaboration du fameux brocciu, mais aussi à des tomes et à des fromages fermiers de grande qualité.
La bonne adresse : OS Brebis Corse, Domaine de Casabianda, 20 270 Aleria.
Béliers, début du XXe siècle
Brebis, Macinaggio, Haute-Corse. Les animaux ont gagné en taille
Troupeau, Macinaggio, Haute-Corse
Nustrale
Le Nustrale est le porc corse, celui que l’on voit en forêt ou sur les bords de la route. Son histoire est intéressante : il est sans doute inféodé au rameau des porcs ibériques. Mais l’influence du sanglier n’est pas étrangère. On dit même que le sanglier corse serait issu du marronnage de porcs retournés à l’état sauvage ce qui reste toutefois hypothétique ! Il n’est pas rare de voir des animaux qui ressemblent visiblement des hybrides de porc et sanglier, mais aussi voir des sangliers se nourrissant loin d’une troupe de cochons.
Le Nustrale est de taille moyenne, il possède un groin en général allongé et pointu. La robe est le plus souvent noire, ou grise, mais on rencontre aussi des animaux de couleur rosée ou pie-rosé. Les oreilles sont le plus souvent tombantes et l’animal adulte pèse entre 200 et 220 kg.
Beaucoup de porcs vivent à l’état libre et beaucoup aussi ont été croisés avec l’omniprésent Large White. Si bien qu’il n’est pas toujours facile de reconnaître un animal de race pure. Il y en avait environ 4 000 en 1983, mais seulement quelques centaines aujourd’hui.
Les éleveurs essaient de promouvoir la race, reconnue officiellement depuis 2006, et de valoriser ses produits, notamment par la recherche d’un AOP, pour contribuer utilement à la charcuterie corse dont la renommée a dépassé les limites de l’île.
La bonne adresse : Association Régionale pour la Gestion de la Race Porcine Corse, Lieu-dit Canale 20133 Ucciani.
Groupe de porcs Nustrale présentant le standard parfait (photo M. Poggi)
orcs Nustrale, sans doute plus ou moins hybridés, vers le col de Vergio, Haute-Corse
Porcelet Nustrale, vers le col de Vergio, Haite-Corse
Cursinu
Cursinu veut dire chien en Corse. Cette race de chien ancienne, connue depuis le XVIe siècle, est très polyvalente. On l’utilisait autrefois tout aussi bien pour garder le foyer que les troupeaux, et même pour la chasse aux sangliers. Aujourd’hui, c’est un excellent chien de compagnie. Comme toutes les races domestiques corses, c’est un animal frugal, rustique et endurant. Il est plutôt calme, docile, mais reste très proche de son maître et garde ses distances avec les étrangers.
Il appartient au groupe 5 dans le classement des chiens, c’est-à-dire aux « chiens de type Spitz et type primitif ». Il mesure 45 à 58 cm au garrot et pèse une vingtaine de kilos. Son poil est court à mi-long et il est souvent de couleur fauve bringé ou charbonné. Sa queue est enroulée et ses oreilles semi-tombantes. Il ressemble un peu à ces chiens que l’on trouvait autrefois dans les campagnes et que l’on retrouve dans le Berger des Alpes (et d’Auvergne).
Celui que l’on appelle aussi le Berger de Corse ou le Cane turcatu, a fortement diminué au tournant du XXe siècle. Mais il n’a jamais disparu car les Corses sont très attachés à leur chien. Ainsi la race est repartie à la fin de ce siècle et on estime actuellement leur nombre à environ 1 500 individus. On le trouve principalement en Corse, mais aussi sur le Continent et même ailleurs en Europe. La Société centrale Canine a reconnu la race en 2003.
La bonne adresse : Club du Cursinu, Res. Belorizonte Bat. H, 20090 Ajaccio.

Image (d'Epinal) du chasseur corse avec son Cursinu, années 1960

Cursinu, Evisa, Corse-du-Sud (photo G. Olioso)
Chien Cursinu, vers Bigorno, Haute-Corse