Ouvrez la cage aux chevaux
Pour ceux qui l’aiment, le cheval est un ami sincère. Avec lui, on ne peut rien occulter : on dit qu’il est le reflet, le miroir de son cavalier. L’enfermement que les cavaliers font vivre aux chevaux reflèterait-il alors leur propre étroitesse ? Qu'est-ce qui pousse l'être humain à mettre la liberté en cage ?
La véritable amitié d’un cheval ne se gagne pas facilement. Mais une fois qu’il a accordé sa confiance, cet animal généreux donne beaucoup et pardonne énormément d’erreurs et de maladresses à son cavalier. L’intelligence et la grande sensibilité des chevaux sont chaque jour un peu plus démontrés par de nouvelles études, confortant dans leur idée tous les cavaliers un peu sensés.

Oasis, jument camargue, apprécie de se coucher en toute confiance
dans le sable, et l'affection de Louison.
Audrey Gory, et sa jument Mulan, en liberté. L'équitation dite éthologique
est une approche qui a révolutionné l'équitation ces deux dernières décennies.
Hélène Roche, éthologue et spécialiste du clicker training, demandant au pré à Kako un cabré.
Hélène gratouillant Kako, qui apprécie. Dans une bonne relation, le cheval peut demander
à son cavalier de le gratter, et le cavalier comprend.
Les poulains apprennent vite à apprécier les gratouilles. Ici poulain aztèque, élevage Pemp Heol, chez Audrey Gory.
Pourtant, s’il est un animal, de nos jours, encore incompris, c’est lui. Malgré toutes les avancées de la science, malgré toutes les études éthologiques, beaucoup de gens, et aussi chez les cavaliers, continuent de colporter des préjugés sur les chevaux (« un cheval, c’est bête », « un cheval, ça ne reconnait pas son nom », « un cheval a besoin d’être ferré », « un cheval n’est pas démonstratif », « un cheval n’aime pas son cavalier, s’il vient c’est pour les carottes »).

Il faut que le cheval, animal-proie, soit très en confiance pour se laisser approcher quand il est couché.
Umkhumbi, jeune camargue, se fait panser par Nathanaëlle tout au long de sa sieste.
Et de considérer qu’un cheval bien soigné vit toute sa vie enfermé au box, tel un poulet de batterie (poules, chevaux, même combat !), 4 fers brillants aux sabots quelle que soit son activité (ce qui sur le long terme peut provoquer des problèmes de santé, les sabots ont besoin d’être parés, mais pas forcément ferrés), et isolé de ses congénères (ce qui, plus que tout, le rend fou)… Pour cet animal sociable, taillé pour la course et les grands espaces, ce traitement est ce qui s’oppose le plus exactement à sa nature. Abrutis, névrosés, parfois franchement dépressifs, ces chevaux aux conditions de vie absurdes peuvent en effet avoir des réactions « bêtes », dangereuses, bizarres, et être peu démonstratifs avec cet humain qui pense que les problèmes se résolvent par la force… On leur reproche alors d’être ce que nous-mêmes avons créé.

Décidément, les Jeux équestres mondiaux, ça ne concerne pas tout le monde !
Exubérance joyeuse d'Oasis qui vient de changer de pré. Nos prés nous semblent vastes, mais pour un animal de steppe, un hectare, ce n'est pas grand chose. Alors les quelques m² d'un box...
Les conditions de vie des chevaux s’améliorent pourtant d’année en année. La façon d’appréhender l’équitation se fait de façon de plus en plus intelligente et respectueuse. Une révolution a commencé et ne semble pas prête de s’arrêter. Mais il reste encore tant d’écuries sordides, tant de cavaliers bornés ! Tant de chevaux enfermés dans des prisons dorés, physiquement chouchoutés mais psychiquement maltraités.
En réaction, certains vont jusqu’à penser qu’il faut cesser toute forme d’équitation.
Mais il semble qu’avec des méthodes intelligences (équitation dite « éthologique », clicker training ou tout simplement « bon sens » de l’homme de cheval sachant se remettre en question), les chevaux apprécient eux-aussi le partenariat avec le cavalier. Quand je vois mes juments hennir en me voyant, arriver souvent en trottant ou galopant du fond du pré, me suivre, rester à mes côtés, quand je vois leur entrain à trottiner quand on va se promener, leur plaisir de galoper sur la plage, ou le petit hennissement satisfait de ma jument en phase d’apprentissage quand elle sait qu’elle a réussi un exercice et qu’elle attend une récompense (renforcement positif), il me semble que tout cela peut se vivre dans un plaisir réciproque.
La même Oasis qui se prélasse à la plage peut aussi tenir des parcours de maniabilité et slalomer avec changements de pied au galop. Ces apprentissages se sont faits en douceur avec l'aide de spécialistes de l'équitation éthologique et de l'équitation de travail. Le bâton sur la photo sert à évoquer le trident des gardians : celui-ci ne touche pas les chevaux mais sert à guider les vaches.
Audrey et Tadinho, étalon aztèque, au pas espagnol en liberté. Etalon reproducteur vivant à l'année au pré dans son troupeau de juments et avec ses poulains, Tadinho est aussi le cheval de travail d'Audrey.
Ouvrir la cage aux chevaux, ce n’est pas forcément les relâcher dans des plaines qui n’existent plus. On peut continuer à collaborer, eux et nous.
Mais c’est les sortir des boxes, des écuries, et les laisser vivre au moins au pré, les regarder galoper, jouer, se rouler, les laisser vivre en troupeau, leur laisser cet espace mental d’apprendre en douceur, à leur rythme, dans la bienveillance, sans enjeu autre que s’amuser ensemble… jeter à la poubelle cravaches, normes et préjugés, et prendre les chemins de traverse.
L’équitation devient alors un chemin de vie, où l’on est obligé d’apprendre à prendre son temps, à se remettre en question, à reconnaître les limites de l’autre et les siennes, à dire s’il-te-plait, à dire merci, et à dire pardon.
Umkhumbi répondant à son nom, quitte son troupeau et arrive au galop, comme souvent.
Les autres chevaux ne sont pas venus : ils savaient qu’ils n’étaient pas concernés. Pas démonstratif, le cheval ?