Expédition dans le désert de Gobi, épisode 16
Carnet de voyage d’Élise Mazaalai karshan emegtei
Nous sifflons à notre tour. Et cette fois, ça nous répond ! Nous sifflons encore. Nous attendons un peu, puis nous voyons la silhouette de S. surgir d’une colline, et venir vers nous en courant.
Il s’était perdu en voulant rentrer au camp !
Ouf ! Quelle frayeur !
Perdre quelqu’un dans la nuit en plein désert de Gobi, ça aurait été une belle panique !
Nous rentrons. Excitation à son comble chez les Mongols, Terbish raconte l’obs à toute vitesse. Puis ils repartent dans la nuit, Nyambayar, les deux chauffeurs et lui, en courant, espérant revoir l’ours.
Nous n’y allons pas. Il fait trop nuit, on ne verra plus rien et pas envie de se perdre !
En effet, à leur retour, un peu plus tard, ils n’ont rien vu.
J’écris sous la tente, avec ma lampe frontale. Je ne suis pas rassurée outre mesure de dormir en plein désert de Gobi avec un ours aux mœurs plutôt nocturnes qui se balade tout près d’ici, et avec l’odeur de la bouffe mongole de ce soir… Et surtout, avec mes barres de céréales et mes biscuits plein la valise ! Pour me rassurer, je me répète que l’ours de Gobi a peur de l’homme…
Chameau sauvage, ours de Gobi… expédition difficile, mais étonnante !
Comme Terbish était heureux, tout à l’heure ! Au moment de fermer les yeux sur l’image fantastique de cet ours marchant dans le désert, je l’entends encore rire au loin !
Voilà, le 25 juin 2016, vers 22h30, nous avons vu l’ours de Gobi. De la chance, mais pas que. On était avec Terbish, Nyambayar, et Philippe qui a cherché jusqu’au soir, sans relâche, comme quand il fait du seawatching.
Mais une chance énorme aussi, bien sûr.
Un cadeau de la nature, et il n’y a qu’une chose à dire : merci !
Neuvième jour. Dimanche 26 juin.
Mal dormi. Peur irrationnelle que l’ours tout près soit attiré par la bouffe et veuille venir manger mes barres de céréales dans la tente !!!
Ce matin, au petit-déjeuner, Terbish, Philippe et Pierre me disent qu’il n’y a sans doute pas beaucoup de femmes, et surtout étrangères, qui ont vu l’ours de Gobi.
En mongol, je suis désormais Mazaalai karshan emegtei, la femme qui a vu l’ours de Gobi.
Plus loin, à un point d'eau, un syrrhapte somnole. L'arrivée d'humains ne l'émeut guère. Il prend son temps pour s'étirer et s'ébrouer...
Nous sommes donc à 250 kilomètres des premières yourtes, elles-mêmes bien paumées.
Ce matin, il y a des traces d’ours pas loin du campement, qui n’étaient pas là hier. Il est bien venu, pas loin du tout !
Peut-être que j’avais raison d’avoir le sommeil léger !
« Qu’est-ce qu’on fait, si un ours vient gratter la tente pour manger vos barres de céréales ?
-Ben… tu les lui laisses !!! », me répond Pierre.
Mais il faut reprendre la route.
Désert minéral, jaune, vert, rose, gris. Des mirages immenses, qui font croire à la présence de lacs. Un petit point d’eau. Des syrrhaptes.
Cette bergeronnette citrine a trouvé LA flaque du secteur... en plein désert. Elle alarme : nicherait-il ici ?, se demande Philippe.
Aujourd’hui, la route est dure, il faut rouler sur une épaisse couche de graviers, où les camions s’enfoncent.
Les roues patinent, mais les chauffeurs parviennent à franchir tous les obstacles, là où l’on se serait ensablé 20 fois…
Pas très rassurant tout de même.
Gazelle à goitre. Après nous avoir regardé un moment, un p'tit pipi et puis s'en va, pas plus stressée que ça...
On se dit que les chauffeurs, Galaa et Myangaa, pourraient sans souci faire le Paris-Dakar. Ils assurent en toutes circonstances.
Nous rejoignons une montagne.
Et là, un pneu crève…
Suite au prochain épisode...