Black and white Hoëdic
Au large du Morbihan, il y a Belle-Ile, il y a Groix, il y a Houat… et il y a Hoëdic.
Cette dernière est souvent considérée par les ornithologues comme la troisième des îles du Ponant, avec Ouessant et Sein, pour la migration automnale des oiseaux.
C’est une île de la Bretagne Sud, et cela se sent à de nombreuses provocations végétales. Ici un figuier, où un jeune étourneau roselin s’en met plein le bec. Là des palmiers et des bananiers.
Contrairement à Sein, où l’on sent toujours l’océan prêt à déborder, à submerger l’isthme, Hoëdic semble bien amarrée.
Dans la lande, un regard alerte peut trouver les lézards verts, et s’il bruine un peu, dès la nuit tombée, les crapauds calamites sortent, lentement, avec leur démarche pataude. Attention alors à ne pas leur marcher dessus ! Ils ne savent pas comme ils sont vernis d’habiter Hoëdic, tous ces crapauds. Ici, pas de voitures pour les écraser sur les routes. Ici, pas de phares éblouissants. Seulement quelques hommes à pied qui font attention où ils marchent.
Hoëdic abrite également cinq chevaux blancs. Trois juments camargue, et deux hongres typés arabes. Comme les plantes, ces rustiques méridionaux se sont parfaitement adaptés au climat hoedicais. Ils sont venus là en bateau. L’une des juments est née sur l’île. En voilà des chevaux heureux, vivant dans un pré si vaste qu’il sent la liberté. Des chevaux que personne n’ennuie. Juste une petite promenade de temps en temps, sur les jolis chemins de l’île, parfois un galop fou dans la lande. Ils auraient pu naître chevaux d’écurie, à sauter des barres, poil impeccablement lustré et œil vide. Ils sont nés pour vivre dans le vent, en troupeau, crins épais et regard libre, à Hoëdic. Tous n’ont pas la même destinée.
Il y a aussi quelques moutons, de la race menacée Landes de Bretagne, à la laine duveteuse, qui paissent face à la mer, surveillant attentivement chaque passant de leur pupille rectangulaire. Ceux-là entretiennent le milieu et empêchent que ronce, fougère et ajonc n’envahissent tout.
Les pommiers d’autrefois sont toujours là, offrant des pommes biscornues aux saveurs anciennes.
Après les journées d’observation, d’attente et de quête, les ornithologues automnaux rejoignent les pêcheurs, les îliens, les marins, à la Trinquette ou au café du Repos, devant une bière ou un cidre, une purée de sardines, un bol de crevettes.
C’est l’heure pour les uns de parler du gobemouche nain et des oiseaux qui pourraient bien débarquer sur l’île la nuit prochaine. Pour les autres, de la taille du bar qu’ils ont pêché. D’autres pensent encore aux cinq chevaux blancs.
En voilà une île pas ordinaire, havre des oiseaux voyageurs, abri de quelques races anciennes, de quelques hommes secrets discutant sur le port d’Argol… A une heure de la côte, déjà loin, s’effaçant dans les brumes marines.