Les derniers paysans

Entre 1979 et 2000, Serge Chevallier a photographié en France des « isolats paysans » dans lesquels des agriculteurs ont vécu selon un mode de vie qui n’avait pas changé depuis des siècles. C’est en effet à cette période, à la fin des « Trente glorieuses » que disparaît le monde paysan au profit de celui des agriculteurs (et des exploitants agricoles).
Serge Chevallier promène ses deux appareils photos : un chargé en noir et blanc, l’autre en couleur. Ainsi photographie-t-il souvent la même scène avec ces deux approches. Avec la première, on a souvent l’impression que la photo date des années 1920 ou 30. Avec la seconde – la même scène, donc – on pourrait penser que la photo a été prise lors d’une fête de la moisson locale, l’été dernier. Cela montre combien cette période s’est située entre deux âges, entre deux mondes.
Il ne s’agit pas de voir ces photos comme une collection de « derniers des Mohicans », mais davantage comme un travail ethnologique, comme a pu le faire Curtis avec les Indiens d’Amérique ou même Lévi-Strauss. Les textes sont là pour mettre en perspective les photos « d’époque » avec la réalité d’aujourd’hui, en la replaçant dans un contexte environnemental.
Le livre se termine sur une constatation : qui dit désertification (ou déprise) agricole, dit retour du sauvage. Et on le voit bien en France, avec des populations de grands herbivores sauvages (cerfs, chevreuils, mais aussi sangliers) qui sont au plus haut, ou encore avec le retour du loup… En quelque sorte, la boucle est bouclée. Au Moyen Age, les moines se sont attachés à défricher, à ouvrir le milieu (forestier) et contribué ainsi à accroître la biodiversité animale et végétale des milieux ouverts. Puis l'agriculture intensive a créé des déserts de biodiversité. Avec la déprise actuelle, c’est la forêt qui va faire son grand retour. Avec, revers de la médaille, une fermeture des milieux et une certaine homogénéisation de ceux-ci. Avec son corollaire, la perte de la diversité des espèces de milieux ouverts, mais le retour possible d'espèces forestières. Vaste sujet où agriculteurs, scientifiques, naturalistes et tous les amoureux de la nature et de la biodiversité se trouvent confrontés à un sacré dilemme.
Restent les quelques agriculteurs courageux qui ont fait le choix d’élever des races ou des variétés rustiques et locales, avec des formes d'agriculture respectueuses de l'environnement, qui essaient de valoriser ces terres en harmonie avec cette biodiversité sauvage. Aujourd'hui, ce sont sans doute eux, les héritiers des derniers paysans.
Pour en savoir plus sur les Derniers paysans, regarder le flipbook !
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Né à Paris et passionné par la campagne où, enfant, il passait toutes ses vacances, Serge Chevallier fut photographe animalier professionnel pendant plus de 30 ans. Il a également travaillé pour la publicité, le tourisme et la presse.
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Les Derniers paysans, Serge Chevallier, Philippe J. Dubois, Delachaux et Niestlé, 2012