Petite mythologie du loup

Publié le par lesbiodiversitaires

En Mongolie, en juin dernier, guidés par des cavaliers rencontrés en chemin, nous avons fait un affut au loup. Dans les hautes montagnes d'Ikh Bodg Uul, au bord d’un inquiétant précipice, dans le froid du soir, nous observions au loin une carcasse attaquée par les vautours de l’Himalaya, les vautours moines et les gypaètes barbus. Une ambiance de bout du monde…
 
 cavalier mongol - PJD
  Il y a des loups... là-bas...
 
Mais nous n’avons pas vu le loup.
Savoir qu’il rôdait pourtant dans le secteur, et que les Mongols l’avaient aperçu plusieurs fois autour de la carcasse, le matin même, était suffisant pour rendre ce moment unique. Nous ne l’avons pas vu… peut-être parce que lui, justement, nous avait vus. Peut-être avait-il fait un affut à l’homme ?
 
 Affut au loup - Yvan Tariel
Affut au loup à Ikh Bodg Uul, dans le froid. Photo : Yvan Tariel
 
Cet affut en compagnie des Mongols nous donne envie de vous faire partager un texte consacré à la mythologie du loup (et à sa signification en Mongolie), paru il y a quelques années*, ainsi que deux sublimes photos du photographe Louis-Marie Préau : 
  
  
Mythologie du loup
 
Le loup fait partie de toutes les mythologies des pays où il a un jour traîné la patte.
Les Indiens d’Amérique respectaient le loup, qui, comme eux, était un chasseur. Pour les Indiens, le loup était un allié, qu’on retrouve dans les totems, voire un passeur d’âme. La tribu des Ojibwa lui attribuait une protection spirituelle.
 
Chez les anciens Grecs, l’histoire de Léto raconte que, après son union avec Zeus, la déesse enceinte ne parvenait pas à trouver de lieu pour donner naissance aux jumeaux qu’elle portait, à cause de la jalousie d’Héra, l’épouse de Zeus. Selon diverses variantes, elle finit, protégée de Zeus, par accoucher. Mais Léto, emmenant ses nouveau-nés – rien moins qu’Apollon et Artémis – pour les laver dans le Xanthe, fut confrontée à des bergers qui cherchèrent à l’en empêcher. Des loups arrivèrent alors, chassant les bergers ! Léto appela dès lors la région « Lycie », du nom des loups, et transforma les bergers… en grenouilles ! De par ce lien aux loups, Artémis, déesse de la vie sauvage, était parfois également évoquée comme Artémis Lycoctone, tueuse de loups, pour protéger les troupeaux. Cela pouvait également être le cas de son frère Apollon, parfois appelé Apollon Lukogenès, né du loup (à Delphes, le temple d’Apollon était gardé par un loup de bronze, en souvenir d’un vrai loup qui aurait protégé les trésors du temple contre un voleur). Autour de ce temple d’Apollon, le terrain était appelé « lukaion », ce qui veut dire « peau de loup ». Comme c’était le lieu où Aristote enseignait, c’est là l’origine du terme « lycée », utilisé encore aujourd’hui.
Le dieu des Enfers, Hadès, était vêtu également d’une dépouille de loup (par ailleurs, chez un autre peuple, les Étrusques, le dieu de la mort avait des oreilles de loup !).
 
Quant à Dolon, c’est un espion troyen qui, en pleine guerre de Troie, cherche à se rendre au camp des Grecs en se déguisant en loup. Homère l’évoque dans l’Iliade (Chant X). Dolon « sur ses épaules, jette aussitôt l’arc recourbé ; il vêt son corps de la peau d’un loup gris ; […] il s’en va, par la route, plein d’ardeur ». Le stratagème n’est pas une grande réussite car il est rapidement attrapé par le rusé Ulysse et son comparse Diodème, qui le font parler avant de l’achever.
Dans la mythologie grecque, d’une manière générale, le loup apparaît comme un animal incarnant le sauvage, la force, la ruse et la combativité, associé à des dieux majeurs.
 
Dans la Rome antique, où les loups étaient nombreux, une très ancienne fête pastorale, les Lupercales (Lupercalia), avait lieu chaque année le 15 février, dont l’un des buts était d’écarter les loups des troupeaux. N’oublions pas non plus que la fondation de Rome n’aurait pas eu lieu sans l’aide d’une louve : lorsque les jumeaux Remus et Romulus, nés des amours d’une ancienne princesse devenue vestale (c’est-à-dire en latin courant une lupa, une « louve », une prostituée) et du dieu Mars (dont l’animal sacré était le loup), sont jetés dans le Tibre pour qu’ils ne puissent un jour revendiquer le pouvoir, ils échouent sur le rivage et sont recueillis et allaités par une louve. Plus tard, un nouvel établissement sera fondé sur le lieu où ils furent découverts, donnant naissance à Rome, qui garda la louve comme emblème. Le loup faisait donc logiquement partie des emblèmes de la légion romaine. Voir un loup avant le début d’une bataille était aussi présage de victoire.
 
Chez les Scandinaves, aux terres non moins peuplées de loups, le loup a une importance peut-être plus forte encore. Odin possédait deux loups : Gere et Freke. Fenrir, le plus célèbre des loups scandinaves, est un loup énorme, destructeur et ennemi des dieux. Seule une corde fabriquée par les nains et placée à son cou permet de le contrôler. Fenrir causera cependant la fin du monde lors du Crépuscule des dieux : brisant ses chaînes, il avalera le soleil et la lune, et les dieux s’entre-tueront lors d’un combat final. Fenrir dévorera Odin avant d’être tué par le fils de ce dernier.
En Égypte, Oupouaout, le dieu-loup, est placé à l’avant de la barque solaire d’Osiris. Lors du dangereux périple nocturne du soleil dans les régions souterraines, c’est Oupouaout qui ouvre le chemin, faisant office de passeur. Une ville lui était dédiée : Lycopolis.
En Mongolie, il est, avec le cheval, l’habitant de la steppe. L’Histoire secrète des Mongols, chronique mongole de Siki-Quduqu au XIIIe siècle, rapporte ainsi que le héros Gengis Khan, le grand conquérant mongol, avait pour père… le Loup bleu (Bortä-Tchino) ! Belle explication à la férocité de Gengis Khan, guerrier légendaire. Ce Loup bleu symbolisait aussi la foudre.
En Chine, une étoile, Sirius, était associée à un loup qui était censé garder le palais céleste (la Grande Ourse).
Pour les Turcs, la louve est aussi à l’origine de leur lignée, ayant allaité leur ancêtre, Mustapha Kemal, surnommé le « loup gris ».
Dans la mythologie indienne, le loup dévoreur Vrika absorbe la lumière, elle-même représentée par une caille. Il symbolise la nuit, et c’est seulement lorsque la caille est libérée que l’aube peut renaître.
Enfin, pour de nombreux peuples (Sibérie, Kamchatka…), le loup est un symbole de fécondité, auquel on consacre des rites.
 
*Anthologie du loup, Elise Rousseau, Delachaux et Niestlé, 2006 
 
 
 loup Louis-Marie Préau
     
  loup Louis-Marie Préau 2
Photos : Louis-Marie Préau 
--------------
Retrouvez les remarquables photos de Louis-Marie Préau, ainsi que sa série sur le loup, sur le site du photographe naturaliste :
http://www.louismariepreau.com/
Un photographe aussi doué que généreux, qui a souvent aidé les associations de protection de la nature. On aime son approche poétique, et la sensation de légèreté qui se dégage de ses clichés.
--------------  

Publié dans Biodiversité sauvage

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
que Viva los Lopos.....!
Répondre
D
Quel magnifique animal ...Canis Lupus...le voir courir,chasser, batifoler,nager, etc....<br /> apercevoir un Loup dans son milieu naturel est magnifique....!<br /> figure emblématique de Rome , des steps Mongole , des Indiens d'Amériques , etc....<br /> Chassé et éliminé de France....par l'homme par jalousie , pour son territoire, par ignorance et par peur....!
Répondre
P
Un texte à méditer à l'heure où le retour du loup dans nos montagnes et nos campagnes réveille les fantasmes.
Répondre
P
Coucou.<br /> J'ai réparé le lien vers le billet BPN type ancien. Le voilà http://www.association-ferme.org/article-sauvegarde-de-la-vache-bretonne-ancienne-103056107.html<br /> AmicaleMEUH<br /> (-;
Répondre
P
Coucou en passant.<br /> (-:
Répondre